BINDING 1 - CcC 1 5 1923 Bmmm r crc 1 5 1923 y^// Digitized by the Internet Archive in 2009 with funding from University of Ottawa http://www.archive.org/details/coursdhistoiredu04chap COURS D'HISTOIRE DU CANADA DU MEME AUTEUR Les congrégations enseignantes et le BREVET DE CAPACITÉ, 1893 (in-12) Discours et conférences, 1898 (in-8-) Discours et conférences, 1913 (in-8-) Le serment du roi, 1901 (in-12) Jean Talon, intendant de la Nouvelle- France, 1904, couronnée par l'Académie française, prix Thérouanne, (épuisé) (in-8-) Mélanges de polémique et d'études re- ligieuses, POLITIQUES ET LITTÉRAIRES, 1905 (in-8-) Le marquis de Montcalm, couronné par l'Académie française, 1911, prix Thiers, triennal (in-8-) The GREAT intendant, 1912 (in-12) Cours d'Histoire du Canada (1760-1791) volume I, 1919 (in-8-) Cours d'Histoire du Canada, (1791-1818) volume H, 1921 (in-8-) Cours d'Histoire du Canada (1818-1833) volume ni, 1921 (in-8-) COURS D'HISTOIKE DU CANADA PAR THOMAS CKAFÀIS l'ROFESSEUR D'HISTOIKE A l'univkhsite I.AVAI. XOIVIE IV 1833-1841 QUÉBEC LIBRAIRIE GARNEAU, Limitée 47, RUE BUADE 1923 Enregistré conformément à l'acte du Parlement du Canada concer- nant la propriété littéraire et artistique, en l'année mil neuf cent dix-neuf, par THOMAS OHAPAIS, au ministère de l'Agriculture, à Ottawa. AVANT-PEOPOS Voici le quatrième et dernier volume du cours d'histoire que nous avons professé à l'université Laval pendant quatre années consécutives. Il nous conduit jusqu'à la proclamation de l'union entre le Haut et le Bas-Canada. Nous nous sommes arrêté au seuil de ce nouveau régime. En livrant ces pages à l'impression, il ne nous semble pas inopportun de rappeler à nos lecteurs quelques observations explica- tives que nous leur adressions au moment où nous commencions à publier ces études. Nous leur faisions remarquer que ce que nous leur offrions c'était "un cours d'histoire et non pas un ouvrage composé uniquement en vue de la publication et de la lecture". Et nous ajoutions que "le cours comporte moins de particularités, moins de développements, qu'il doit viser davantage au tableau d'ensemble et à l'accentuation plus vive des faits, des moments caractéristiques." Dans l'exécution de notre programme, nos lecteurs ont pu cons- tater que nous nous sommes attaché surtout à retracer les vicissitudes pohtiques subies VIII AVANT-PROPOS par le petit peuple canadien-français depuis la cession de 1763, à étudier ses évolutions constitutionnelles, à signaler ses luttes pour la survivance nationale, pour la liberté reli- gieuse et civile, et les phases, les progrès et les reculs de son acheminement vers cet ob- jectif essentiel: sa juste participation à la direction de ses affaires. Ce plan, que nous avions indiqué au début de nos leçons, nous l'avons suivi aussi fidèlement que possible. Et c'est donc surtout l'histoire politique des Canadiens français sous le régime britannique qui a fait le sujet de notre cours. Ceci expli- quera peut-être pourquoi il ne faut pas cher- cher dans ces volumes ce que nous n'avons pas eu l'intention d'y mettre; comment, par exemple, on n'y saurait trouver de chapitres consacrés à l'histoire des provinces de la Nou- velle-Ecosse, du Nouveau-Brunswick, et du Haut-Canada de 1791 à 1840. En cela, pour la déhmitation de notre champ d'études, nous avons jugé opportun de ne pas dépasser les frontières que s'était tracées Garneau dans la partie de son œuvre consacrée à la domina- tion anglaise, comme on peut s'en convaincre en parcourant les sommaires des cinq livres (du douzième au seizième) consacrés par notie grand historien à cette période. Ainsi que nous l'indiquions dans l'avant- A\ ANT-PROPOS IX propos de notre ]>remier volume, l'une de nos plus vives préoccupations au cours de ces études a été de nous astreindre rigoureuse- ment à cette impartialité qui doit être la loi de l'histoire. Cependant impartialité ne si- gnifie pas impassibilité, et nous espérons que nos lecteurs ont pu s'en rendre compte. Ta- cite a écrit: "L'historien qui fait vœu d'une fidélité incorruptible doit parler de chacun sans amour et sans haine." De chacun? soit ; mais de toute chose P non pas. Dans le récit des événements, dans l'appréciation des hommes, des idées, des aspirations et des divergences nationales, nous osons nous flat- ter d'avoir écrit sans haine; mais nous ne ré- clamons pas le douteux mérite d'avoir été sans amour. Le souci de l'équité n'est pas incompatible avec l'attachement profond à la foi, à la langue, aux institutions, aux Hber- tés civiles et rehgieuses de la nationahté dont l'historien retrace les fluctuations et les for- tunes. Si l'amour de la vérité et le sens de la justice ne permettent pas à celui-ci de dissi- muler les erreurs commises pai' leurs défen- seurs, ni d'outrer la censure encourue par leiu-s adversaires, ces nobles causes ne lui en sont pas moins chères et sacrées. Et ni leurs échecs ni leurs victoires ne sauraient le lais- ser sans douleur ou sans joie. Aurions-nous AVANT- PROPOS tort de penser qu'en parcourant ces volumes nos lecteurs ressentiront cette impression ? Nous en avons au moins l'espoir. Ajoutons- y le voeu cjue l'effort énergique accompli par l'auteur pour chasser le préjugé de son esprit et bannir l'hostilité de son cœur ne fasse que rendre son œuvre plus utile à la nationalité dont il est le fils très humble, mais très profondément dévoué. Thomas Chapais Québec, 15 février 1923. CHAPITRE I La situation politique au printemps de 1832. — Optimisme de lord Aylmer.- — ^Un incident désastreux. — L'élection de Montréal. — M. Daniel Tracey. — Ses démêlés avec le Conseil législatif. — L'épisode Tracey-Duvernay. — M. Tracey candidat. — Une lutte mouvementée. — Vingt- deux jours de poil. — Un conflit sanglant. — Trois vic- times.— 'Agitation intense. — Mise en accusation de deux officiers britanniques. — 'M. Papineau et lord Aylmer. — Acte imprudent du gouverneur. — ^11 consomme la rup- ture. La session de 1832-33. — 'M. Mondelet conseiller exécutif. — Son siège déclaré vacant. — 'M. Neilson et son refus. La question du Conseil législatif électif. — MM. Papineau et Neilson.— Mésentente malheureuse. — La question des subsides. — Nouvelles divergences. — Lord Stanley succède à lord Goderich. — La session de 1834. — Escarmouches préliminaires. — Les dépêches de lord Stanley. — "L'état de la province." — Les quatre-vingt- douze résolutions. — Leur analyse. — Une appréciation de M. Chauveau. — Les débats. — Harangue enflammée de M. Papineau. — Le tribun et l'Acte de Québec. — Une erreur de jugement. — L'attitude de M. Neilson. — MM. Stuart, Gugy, Quesnel. — Les résolutions de M. Neilson. — ^Le vote — Le discours de prorogation du gouver- neur.— Une vérité et une illusion. — L'agitation populaire. — ^Les élections de 1834. — Le triomphe des "quatre- vingt-douze". Nous entrons ce soir dans la quatrième année de notre cours d'histoire. En revoyant au pied de cette chaire tant d'auditeurs dont la présence nous honore et dont l'attention nous soutient, nous sentons le besoin de leur dire combien nous apprécions leur intérêt et leur persévérance. Nul ne comprend mieux que nous jusqu'à quel point est méritoire leur assistance 2 COURS D HISTOIRE DU CANADA à ces leçons. Les études que nous poursuivons ensemble sont sévères et ardues. Elles le seront peut-être davan- tage encore cette année, car elles vont avoir pour sujet une grave et difficile période. Puissions-nous la traiter avec toute l'équité, toute la liberté d'esprit qu'elle réclame! Au printemps de 1832, la situation politique était peu satisfaisante dans le Bas-Canada. L'espèce de trêve incertaine et précaire qui existait depuis l'en- quête et le rapport de 1828 semblaient bien près d'expi- rer. Les propositions conciliantes de lord Goderich n'avaient pas produit l'effet attendu. La liste civile restreinte, demandée en retour de l'abandon par la Couronne des revenus dont elle prétendait avoir la disposition légale, n'avait pas été acceptée par la Cham- bre. Les subsides avaient été votés dans une forme que le gouvernement impérial tenait pour irrégulière. Un bill adopté pour déterminer la tenure d'office des juges contenait des articles qui, d'après le secrétaire colonial, équivalaient à trancher dans le sens de l'As- semblée la question en litige du droit d'affectation. La constitution du Conseil législatif et le mode de nomination de ses membres avaient été mis en discus- sion. MM Papineau et Bourdages avaient commencé à soutenir l'opportunité de rendre cette chambre élec- tive, sans toutefois rallier encore la majorité. Dans l'Assemblée, un élément dont M. Neilson était le chef montrait des indices de résistance à la politique d'hos- tilité irréductible vers laquelle le parti canadien pa- raissait incliner. Quoique lord Aylmer fût désappointé de voir les avances de lord Goderich moins bien accueillies qu'il ne l'avait espéré, il entrevoyait encore la possibilité d'é- viter une crise dangereuse. Il écrivait au ministre COURS D HISTOIRE DU CANADA à pour lui demander de sanctionner le bill des juges, malgré ses défectuosités. Le peuple canadien, affir- mait-il dans une lettre datée du 5 février 1832, était paisible et bien disposé. Les membres de l'Assemblée, sauf quelques exceptions, ne faisaient pas d'opposition systématique au gouvernement de Sa Majesté. Mais les Canadiens avaient besoin d'être ménagés car ils dou- taient et se méfiaient des intentions de ceux qui déte- naient le pouvoir(l). A la fin de la session de 1832, le gouverneur, dans son discours de clôture, avait exprimé son regret de voir la Chambre refuser son acquiescement à l'arrangement proposé par lord Goderich. Et cela avait porté ombrage à MM. Papi- neau, Bourdages, et à leur parti. Cependant, en dépit de ces nuages, il n'y avait pas encore eu de rupture for- melle entre l'Assemblée et le chef de l'exécutif. Malheu- reusement un déplorable et tragique incident allait bientôt faire naître le plus regrettable conflit et em- pirer désastreusement la situation. Au mois d'avril 1832, le siège de la division ouest de Montréal devint vacant par la démission de son représentant, M. Fisher. Le parti canadien résolut de présenter comme son candidat M. Daniel Tracey, rédacteur du Vindxcator, journal dévoué à la majorité de l'Assemblée. M. Tracey était un irlandais catho- lique, qui s'était fait remarquer par la véhémence de ses écrits. Durant la dernière session, lui et M. Duver- nay, éditeur de la Minerve, avaient été sommés de comparaître devant le Conseil législatif pour répondre d'articles jugés par cette chambre attentatoires à sa dignité et à ses privilèges, et ils avaient finalement été (1) — Archives du Canada: Papiers d'Etat du Bas- Canada. Q. t. 201-1. pp. 30 et 65. 4 COURS D HISTOIRE DU CANADA condamnés à une détention qui n'avait pris fin qu'à la clôture de la session parlementaire. Cette incar- cération leur avait valu une grande popularité. Ils avaient été reçus triomphalement à Montréal et on leur avait présenté des médailles d'or portant une ins- cription commémorative (1). Cet épisode avait natu- rellement contribué à désigner M. Tracey pour la candidature au siège de Montréal. Les élections à cette époque ne se faisaient pas de la même manière que celles d'aujourd'hui. Elles pouvaient durer un nombre indéterminé de jours et la votation avait lieu seulement à un ou deux endroits de la division électorale. La loi déclarait que le poil se clorait seulement lorsqu'une heure se serait écoulée sans qu'aucun vote fût enregistré. Dans certains cas cette disposition pouvait prolonger l'élection outre me- sure. C'est ce qui arriva lors de la trop fameuse élec- tion de 1832 à Montréal. Dès le début elle s'annonça comme devant être violente, car des bagarres eurent lieu autour du poII(2). L'adversaire de M. Tracey était M. Stanley Bagg, anglais, protestant, un des hommes d'affaires en vue de Montréal. Tout faisait prévoir que la lutte serait chaude. A la fin du premier jour, M. Bagg avait 73 votes et M. Tracey 50. Le deuxième jour M. Tracey avait 120 voix et M. Bagg 68. Pendant les jours qui suivirent, M. Tracey maintint son avance et l'accen- tua même. Le sixième jour il avait 420 voix contre son adversaire 331. Mais le parti anglais faisait des efforts inouïs pour l'emporter. Le douzième jour, (1) — Notes et Souvenirs, par Ignotus, la Presse ; 13 jan- vier 1900. (2)— La Minerve, 30 avril 1832. COURS D HISTOIRE DU CANADA 5 9 mai, le résultat était comme suit: Tracey 576, Bagg 554. L'écart n'était plus que de vingt-deux voix. M. Bagg regagnait du terrain. La Minerve commen- çait à montrer une certaine inquiétude. Elle se plai- gnait de ce que les magistrats eussent nommé des constables spéciaux pour empêcher le désordre. Ces magistrats, en grande majorité, étaient d'une impar- tialité plus que douteuse. Plusieurs comptaient parmi les partisans de M. Bagg. Deux ou trois d'entre eux étaient membres du Conseil législatif qui avait incarcéré M. Tracey durant la session. Le 10 mai, le même journal disait: "Le poil conti- nue, mais tire à sa fm, car les voteurs sont devenus rares. La majorité de M. Tracey a diminué, mais il a encore des voix à recevoir et ses amis comptent sur son élec- tion." A cette date l'officier rapporteur avait annoncé plusieurs fois que si, dans une heure, il ne se présen- tait pas de voteurs, il proclamerait M. Tracey élu. Mais, par malheur, l'élection ne devait pas se terminer si tôt. Les deux partis racolaient des votes avec achar- nement. Le quatorzième jour l'état du poil indiquait 616 voix pour Tracey et 611 voix pour Bagg. Le soir du quatorzième jour, les deux plateaux de la ba- lance étaient en équilibre, Tracey ayant 633 voix et Bagg également 633. La lutte devenait passionnante. Durant les jours suivants les deux partis firent de suprêmes efforts. Ils étaient à bout d'électeurs et n'arrivaient que péniblement à faire enregistrer un vote par-ci par-là. L'écart vacillait entre une ou deux voix. Le dix-huitième jour, il y eut encore égalité, 658 contre 658. L'excitation, on le conçoit, était intense. Une lutte aussi longue et aussi acharnée chauffait à blanc les passions politiques. Le 21 mai. 6 COURS d'histoire du canada vingt-deuxième jour de l'élection, les livres de l'offi- cier rapporteur indiquaient 690 voix pour Tracey et 687 pour Bagg. C'est alors que se produisit l'explo- sion que la tension des jours précédents avait pu faire prévoir. A la clôture du poli une bagarre s'engagea entre les partisans des deux candidats. Elle dégénéra bientôt en une sorte d'émeute. Les constables nom- més pour maintenir l'ordre furent assaillis. Un trop grand nombre d'entre eux avaient fait acte de par- tisans. Les magistrats demandèrent l'intervention de la force militaire. Mais la présence des troupes ne parut pas intimider la foule. Bientôt une grêle de pierres assaillit les soldats. Alors les officiers donnè- rent à ceux-ci l'ordre de tirer et trois Canadiens, Billet, Languedoc et Chauvin tombèrent sous les balles, frap- pés à mort (1). Ce douloureux dénouement produisit naturelle- ment la plus pénible sensation. Les journaux patriotes poussèrent un cri d'indignation. Ils déclarèrent que l'intervention des militaires et l'usage qu'ils avaient fait de leurs armes n'étaient pas justifiés par la nature de la bagarre électorale qu'ils avaient pour objet de réprimer. Les journaux bureaucrates répliquèrent par des déclamations furibondes. M. Tracey fut pro- clamé élu le 22 mai avec une majorité de quatre voix. Mais la fin de l'élection ne marqua pas la fin de l'exci- tation publique. On fit aux trois malheureuses victi- mes des funérailles solennelles, auxquelles assistèrent M. Papineau ainsi que plusieurs autres représentants du peuple et une foule immense. Une enquête fut ouverte par le coroner. M. Papineau assista à toutes (1) — Le Canadien, 23 mai, la Minerve, 22 mai 1832; Christie, t. III, pp. 396-401. COURS DHISrOirect qu'elle a perdu, et que l'honneur, la fortune, la liberté et l'existence du peuple soient mises en sûreté, ou se résoudre à voir tomber l'un au dernier degré de l'avilissement et l'autre s'emporter à des excès. Oui, je le crois, nous en sommes venus à ce jour (1)." Au cours de cette harangue, M. Papineau fit une critique incidente de l'Acte de Québec, "vicieux et im- parfait," suivant lui, et du clergé, coupable, à son avis, d'avoir accueilli avec trop de faveur cette mesure constitutionnelle. "Le clergé", dit-il, "à qui cet acte conservait tous ses droits, ses privilèges, et sa prépon- dérance, avantages qui lui sont mieux conservés par la confiance, la persuasion religieuse et la conviction des peuples parce qu'il a bientôt perdu auprès d'eux son autorité temporelle, s'il veut torturer leurs idées et leurs opinions, le clergé accueillit cet acte avec em- pressement, s'attacha à la cause du gouvernement, et, négligeant celle du peuple, le trouva bon parce qu'il était avantageux (2)," Avons-nous besoin de faire observer combien cette tirade était injuste et déplacée L'orateur aurait été fort empêché de démontrer que (1) — Précis des débats de la Chambre d' Assemblée . état de la province; Québec, 1834, p. 4. (2) — Précis des débats, p. 5. 28 COURS d'histoire du canada le clergé avait déserté la cause nationale. Cette ap- préciation pessimiste de l'Acte de Québec dénotait chez M. Papineau un manque de jugement et de sens historique. Il était apparemment de ces hommes qui sont incapables de juger les événements du passé en fai- sant abstraction des impressions et des théories du pré- sent. Il semblait ne pas comprendre que, dans le gou- vernement des peuples, le progrès ne saurait être une explosion soudaine mais qu'il est plutôt le résultat d'une évolution lente. II ne possédait pas ce discer- cernement, faculté précieuse de l'homme d'Etat, qui lui fait tenir compte des circonstances, des époques et des milieux, dans le jugement des faits et des hommes. Quoi que le tribun pût en penser, l'Acte de Québec, à sa date, avait été incontestablement une législation libératrice et réparatrice. En 1834 elle eût été assurément un anachronisme inacceptable dans quel- ques-unes de ses dispositions. Mais cela ne devait pas empêcher un homme politique doué de clairvoyance et d'équité de reconnaître qu'en 1774 elle avait été pour nous une victoire et un bienfait. Une partie considérable du discours de M. Papi- neau était consacrée au résumé des événements poli- tiques depuis cinquante ans, des abus dont les Cana- diens avaient souffert, et des progrès, du développe- ment de l'opinion publique durant cette période. De 1792 à 1810, représentait-il, notre peuple avait été peu éclairé sur ses droits constitutionnels. Depuis cette dernière date, la législature avait pris une nouvelle forme, et chacun, "voyant ce que pouvait un mauvais gouvernement, s'était empressé de s'immiscer aux affaires et de prendre la cause de la patrie.. ..Les dis- solutions, les menaces, l'argent, les honneurs, tout a été employé pour intimider et pour corrompre, et tout couKS d'hisioiuf. du canada 29 a été inutile. L'opinion publique marche, s'avance pour accuser, pour écraser l'opinion des cabales. ...Nous devons examiner quel doit être notre sort, le rendre aussi bon et aussi durable que possible. Il est certain qu'avant un temps bien éloigné, toute l'Amérique doit être républicaine. Dans l'intervalle, un changement dans notre constitution, s'il en faut, doit-il être en vue de cette considération, et est-il criminel de le deman- der (1)?" Le véhément orateur ne ménageait pas ses coups. Qu'on en juge: "Il me semble", s'écriait-il, "qu'il n'y a rien de plus bas que la noblesse anglaise qui nous vient dans ce pays, tant elle aime les places, tant elle aime l'argent (2)." Et, au sujet du Conseil législatif: "Je le demande, y a-t-il eu une époque où la place de conseiller ait été recherchée, enviée? Au contraire, ne voit-on pas ceux qui y entrent s'en retirer, n'oser y paraître, et avouer que c'est un opprobre pour eux d'y siéger, s'ils ont encore des titres au respect et à l'hon- neur de leurs concitoyens (3) ?" Sans passer en revue, l'une après l'autre, chacune des résolutions, M. Papineau les commentait d'une manière générale, en défendait la justesse, l'à-propos, s'efforçait de démontrer qu'elles étaient un légitime "bill of rights" et proclamait bien haut la nécessité de les adopter si l'on ne voulait pas voir périr nos libertés et nos franchises. D'autres orateurs appuyèrent les "quatre-vingt- douze", mais ce fut sans contredit M. Papineau qui en (1) — Précis des débats, p. 7. {2)—Ibid. p. 6. i3)—Ibid. p. 9. 30 COURS d'histoire du canada fut le principal et le plus éclatant champion. Michel Bibaud, clans le second volume de son histoire du Ca- nada, fait à ce sujet les observations suivantes: "M. Bédard, qui s'est chargé d'introduire ces propositions dans la Chambre, et qui avait bien voulu "en prendre sur lui la responsabilité", ne les présenta que par par- ties détachées, et, de plus, il put à peine dire quelque chose à leur soutien, n'ayant parlé un peu longuement qu'en une seule occasion. MM. de Bleury, Vanfelson et Lafontaine firent d'assez longs discours pour les faire trouver bonnes et convenables. M. Bourdages les appuya comme il appuyait, soit par pure complaisance soit par une singulière identité de sentiments et de vues, tout ce qui plaisait à M. l'orateur. Il n'y eut que M. Papineau qui en parut connaître le fond, l'in- tention secrète, le mérite intrinsèque et caché, et qui les défendit comme on ferait d'une œuvre chérie, cha- leureusement, passionnément et quelquefois impérieu- sement, à la façon d'un fameux président de la conven- tion nationale de France (1)." Pour être juste, nous devons avertir nos auditeurs que M. Bibaud, dont l'histoire n'est pas sans mérite, manifeste en toutes rencontres une hostilité très accentuée envers M. Pa- pineau et son parti. M. Neilson, dont les divergences avec l'orateur de l'Assemblée s'étaient déjà fait jour, se sépara nette- ment de lui sur les "quatre-vingt-douze". Il trouvait excessive et dangereuse la politique outrancière où s'engageait la majorité. "Si je suis prêt, dit-il, à ré- sister à toute attaque contre cette Chambre, je suis prêt à en faire autant pour le gouverneur... N'est-ce pas nous mettre en animosité avec les autorités sous (1) — Bibaud, Histoire du Canada, t. III, p. 210. COURS d'histoire du canada 31 lesquelles nous siégeons, et déclarer qu'il n'y en a pas d'autre que la nôtre. II est de même contraire à mes principes d'arrêter la marche du gouvernement en refusant les subsides.. .Dire que nous voulons rompre toute communication avec celui qui nous communique les ordres de sa Majesté dans cette province, que nous "jetons sous la table" les dépêches de lord Stanley, sont des idées que comportent les résolutions, qui jamais n'obtiendront mon assentiment. C'est nous qui avons mis des entraves à la réforme des abus(l)." Dans la bouche d'un patriote comme John Neilson, ces paroles avaient une grande portée et devaient faire réfléchir les esprits pondérés. M. Andrew Stuart prononça aussi un bon discours contre les résolutions. Nous y notons ces deux ou trois idées saillantes, entre plusieurs autres: "Nous sommes dans un moment de crise; nous convient-il d'adopter des mesures propres à augmenter l'embarras et à exciter l'irritation? Serait-il prudent de tourner contre nous toutes les autorités ? Ce n'est pas le peuple qui est mécontent, ce sont ceux qui se mêlent des affaires (2)." Ce dernier trait portait particulièrement juste. II n'y avait vraiment pas de fermentation dans la masse populaire. Les Canadiens français, groupés autour de leurs clochers, exerçant librement leur culte, jouissant, dans la paix la plus profonde, de leurs vieilles institutions paroissiales et sociales et des biens légués par leurs ancêtres, cultivant fructueusement leurs terres, payant peu d'impôts et n'ayant à supporter que de minimes charges publiques, étaient réellement l'un des peuples les plus heureux du monde. Sans doute (1) — Précis des débats, p. \C^. (2)—Ibid. p. 18. 32 COURS d'histoire du canada les abus administratifs étaient grands et appelaient avec urgence une juste réforme. Dans l'ordre poli- tique, on nous marchandait certains droits auxquels nous avions un titre indéniable. Mais ces griefs étaient d'une telle nature qu'ils affectaient surtout nos classes professionnelles, et, en particulier, ceux des nôtres qui avaient embrassé la carrière publique. Ils ne trou- blaient guère la quiétude de notre paysan, tranquille- ment occupé à engranger ses moissons luxuriantes et à arrondir son domaine pour établir ses fils. C'est là un fait positif dont l'historien attentif ne doit pas manquer de tenir compte dans l'étude et l'appréciation de cette époque. On y trouve l'explication des propor- tions très restreintes du soulèvement armé qui éclata trois ans plus tard, et qui resta limité à quelques parois- ses du district de Montréal, plus spécialement travail- lées et chauffées par les chefs de l'agitation politique. M. Quesnel qui avait longtemps suivi M. Papineau, se sépara aussi de lui à ce moment, comme M. Neilson. "Le gant est jeté, s'écria-t-il; la majorité a défié tous ses ennemis, elle a fait une déclaration de guerre... J'ignore où ces résolutions peuvent nous conduire: s'il n'en résulte point de trop grands troubles il en résultera au moins une bien grande réaction." Il terminait son discours par ces paroles où se reflétait sans doute l'opinion d'une foule de bons esprits: "Pour dire en deux mots ce que j'en pense, j'en approuve un grand nombre, j'en réprouve plusieurs, mais prises dans leur ensemble et comme formant un tout, je ne les approuve pas (1).'; Mais du côté de la minorité, ce fut M. Gugy qui prononça le plus vigoureux discours. Il ne craignit (1) — Précis des débats, pp. 38-40. COURS d'histoire du canada 33 pas de s'attaquer corps à corps au redoutable tribun qui commandait à la maiorité. Voici quelques pas- sages de sa réponse k M. Papineau: "Une foule d'accu- sations vagues et hasardées, une multitude d'expres- sions peu mesurées et injurieuses, l'exagération dans les sentiments, les erreurs dans les faits, qui se trouvent dans le discours de M. l'orateur, me forcent à élever la voix pour lui répondre. Je n'entreprendrai pas de le suivre dans toute cette longue série d'argumentations soignées et travaillées depuis longtemps, renfermant une foule immense de considérations, dont les unes, pour lui rendre justice, sont vraies et lumineuses et les autres pernicieuses et désorganisatrices.... Je me doutais que ces résolutions seraient violentes, empor- tées, mais je ne croyais pas qu'elles le seraient jusqu'à l'exaspération et la démence. Dans les 49* et 50 résolutions, il est clairement énoncé que si l'on ne fait pas comme il est demandé, on veut la guerre et on en appelle aux Etats-Unis. Il est dangereux de déclarer la guerre et d'en appeler aux Américains Quant à la constitution, je conviens qu'il faut une réforme, mais sans précipitation, sans l'étourderie de la jeunesse, avec réflexion et prudence; mais la suite de ces réso- lutions incendiaires sera qu'on n'en aura pasdu^tout. Les flatteurs du peuple veulent lui faire croire qu'il est malheureux quand il est heureux. Ce sont ces flatteurs de mauvaise foi qui le perdent. Les Canadiens sont heureux, contents, paisibles. Comment le peuple, dont les neuf-dixièmes sont agricoles, souffrirait-il des petites injustices et des cabales que font la Chambre et le Conseil (1) ?" Nous venons de parcourir le compte- rendu de cette discussion, et nous devons déclarer en (1) — Précis des débats, pp. 12-14. 34 COURS d'histoire du canada toute sincérité et en toute équité que le discours de M. Gugy, abstraction faite des opinions politiques de l'orateur, nous paraît avoir été l'un des plus forts, des plus remarquables par l'enchaînement des idées, la cohésion, la dialectique, le mouvement et la verve oratoires. Ce mémorable débat dura cinq jours. Le 21 février la discussion se termina et le comité général rapporta à la Chambre les quatre-vingt-douze résolu- tions. M. Bédard ayant alors fait une motion pour que celle-ci les approuvât, M. Neilson proposa en amendement, appuyé par M. Duval, "que le rapport fût renvoyé à un comité général avec instruction de savoir si la Chambre ne devait pas substituer aux ré- solutions rapportées une autre série de propositions." Voici quelle était la première et la deuxième des résolu- tions soumises par M. Neilson: "L'état de la province a été pleinement considéré par cette Chambre et représenté à sa Majesté et aux deux chambres du parlement, dans ses humbles adres- ses du 16 mars 1831, et la réponse qu'y a faite le prin- cipal secrétaire d'Etat de Sa Majesté pour les colo- nies, en date du 7 juillet suivant, mise devant cette Chambre, le 8 novembre de la même année, contient une promesse solennelle de la part du gouvernement de Sa Majesté de son consentement empressé et de sa coopération au redressement des principaux griefs et abus dont on se plaint dans ces adresses; et il est du devoir de cette chambre de procéder dans l'esprit de la dite dépêche et de coopérer à promouvoir la paix, le bien-être et le bon gouvernement de la province, con- formément à l'acte du parlement britannique qui la constitue. "L'extrait de la dépêche du secrétaire colonial communiqué à cette Chambre par message de Son Ex- COURS d'histoire du canada 35 cellence, le 14 janvier dernier, démontre que le gouver- nement de Sa Majesté est encore disposé à donner effet aux recommandations contenues dans le rapport du comité de la Chambre des communes en date du 22 juillet 1828, rapport fait après un examen approfondi des pétitions signées par toutes les classes des sujets de Sa Majesté en cette province; et cette Chambre doit y trouver un nouveau motif de procc^der avec éner- gie, promptitude et persévérance, autant qu'elle le peut, à assurer à ses constituants les avantages que compor- tent les dites recommandations, tout en cultivant l'harmonie et la bonne volonté dans toute la province et le bien-être général." Dans une troisième résolution M. Neilson énu- mérait les mesures qui lui paraissaient urgentes pour l'avancement de la province et l'amélioration du sort de ses habitants. Ces mesures législatives devaient avoir pour objet : 1° De faciliter la colonisation, en offrant au colon la tenure qu'il préférait, et en le protégeant contre les conditions et les redevances arbi- traires ; 2° de pourvoir à la plus grande certitude des lois relatives à la propriété, à l'indépendance des juges, à une plus facile administration de la justice et à l'ms- titution d'un recours devant les tribunaux, contre le gouvernement provincial ; S*' de rendre plus effec- tive la responsabilité des hauts officiers publics, et de faire procéder, dans la province, aux "impeachments" décrétés par l'assemblée ; 4° d'assurer le règlement de tous les comptes publics, de faire une enquête com- plète relative à tous les salaires, émoluments d'emplois, honoraires et dépenses obligatoires sous l'autorité pu- blique, afin de parvenir à réduire tous les fardeaux et toutes les charges inutiles (1). (1) — Précis des débats, p. 1. 36 COURS d'histoire du canada La majorité n'était pas dans un état d'esprit pro- pice à l'acceptation de ces résolutions, restreintes dans leur portée et modérées dans leur forme. Le vote fut pris et donna le résultat suivant: Pour les résolutions Neilson: MM. Anderson, Baker, Berthelet, Caldwell, Casgrain, Cuvillier, Davis, Duval, Goodhue, Gugy, Hoyle, Knowlton, Languedoc, LeBoutillier, Lemay, Neilson, Power, Quesnel, Stuart, Taylor, Wood, Wright, Wurtele, Young. — 24. Contre les résolutions Neilson: MM. Amiot, Ar- chambault, Bédard, Bertrand, Besserer, Blanchard, Boissonnault, Bouffard, Bourdages, Bureau, Caron, Cazeau, Courteau, Child, de Bleury, Déligny, Des- champs, De Tonnancourt, de Witt, Dionne, J. Fortin, P.-A. Dorion, Drolet, Fortin, Girouard, Guillet, Godbout, Huot, Kimber, Lafontaine, Larue, Leslie, Létourneau, Masson, Morin, Méthot, Mousseau, Noël, Poulin, Proulx, Raymond, Rivard, Rocbrune, Rodier, Rochon, Scott, Simon, A. -G. Taschereau, Tessier, Toomey, Trudel, Turgeon, Valois, Vanfelson, Viger, —56 (1). La motion pour le concours de la Chambre aux "quatre-vingt-douze" fut ensuite adoptée par 56 voix contre 23. Le 1er mars, une adresse au parlement britannique, basée sur les résolutions, fut votée à une majorité de 33 voix, et M. Morin fut nommé pour aller les porter à M. Viger, agent de la province à Lon- dres, et les appuyer de concert avec celui-ci. Une fois ce grand débat terminé, la session perdit tout son intérêt. Un grand nombre de députés quittè- rent la capitale; le quorum fit défaut quotidiennement du 8 au 18 mars, jour où le gouverneur vint proroger (1) — Précis des débats, p^ 1. COURS d'histoire du canada 37 la législature. A cette occasion lord Aylmer crut devoir signaler le ton des quatre-vingt-douze résolu- tions, et le contraste qu'il remarquait entre l'agita- tion parlementaire et la tranquillité publique. "Je ne puis m'empêcher, disait-il, de faire quelques observa- tions sur le langage des 92 résolutions sur lesquelles est fondé votre appel au parlement impérial, car il s'éloigne tellement de la modération et de l'urbanité si bien connues du caractère canadien, que ceux qui ne connaîtraient point l'état réel de la province au- raient de la peine à se persuader que ce langage ne doit pas être attribué à une fermentation extraordi- naire et générale dans l'esprit du peuple. Je profite donc de cette occasion pour énoncer distinctement, et je dois appeler votre attention particulière sur ce fait, que quels que soient les sentiments qui ont pré- valu dans l'enceinte de la Chambre d'assemblée, lors- que vos 92 résolutions ont été adoptées, tout le peuple, hors de cette enceinte, jouissait, dans ce moment même, de la tranquilité la plus profonde; et je compte avec trop d'assurance sur son bon sens pour croire qu'il ne souffrira pas que sa tranquillité soit troublée par les manœuvres qui vont évidemment être mises en jeu à cet effet." II y avait dans ces paroles une vérité et une illu- sion. II était vrai que le peuple en général jouissait de la paix et de la tranquillité les plus parfaites, en dépit des tempêtes législatives. Toutefois, c'était s'abuser que de croire la population canadienne-française inac- cessible aux appels enflammés des représentants qui viendraient lui raconter avec quelle énergie ils avaient revendiqué ses droits. Notre peuple était heureux et prospère, sans doute. Mais, sans être disposé à risquer son repos 38 COURS d'histoire du canada et son bien-être pour des griefs d'ordre politique dont il ne souffrait pas directement, il ne pouvait rester insensible aux injustices administratives et bureau- cratiques dont on lui faisait l'exposé. Tant que la paix et Tordre publics n'étaient pas menacés, il devait naturellement accorder sa sympathie aux hommes de son sang et de sa langue qui bataillaient pour conqué- rir à notre nationalité plus d'influence et de respect. II était donc naturel que le vœu du gouverneur fût déçu, et cela ne manqua pas. Après la session il se fit dans toute la province un grand mouvement poli- tique, des assemblées furent tenues de toutes parts. Les "quatre-vingt-douze" y furent commentées par les députés et les tribuns populaires. On les repré- senta comme une sorte d'Evangile national, et aux yeux du grand nombre elles devinrent la pierre de touche du vrai patriotisme. Les députés de la mi- norité qui avaient refusé de suivre M. Papineau furent dénoncés comme des traîtres. On adopta contre eux des résolutions dans le genre de la suivante, votée au cours d'une assemblée tenue à St-Athanase sous la présidence du Dr Bardy: "Que cette assemblée ose désapprouver la conduite parlementaire de MM Neilson, Duval, Lemay, Quesnel et autres, qui ont rougi de servir la cause de leur pays, et trahi les inté- rêts de leurs concitoyens (1)." Les journaux organes de la majorité tiraient à boulets rouges contre ses adversaires. Veut-on avoir une idée du diapason auquel montait la polémique? Qu'on lise ces lignes extraites d'un article de la Mi- nerve contre le Conseil législatif: "C'est un corps déjà mort dans l'opinion publique, et les gens de bien, la (1) — Bibaud, Histoire du Canada, t. III, p. 244. COURS d'histoirk du canada 39 minoriti- ■ En somme lord Durham dénonçait l'autocratie, l'exclusivisme, l'impéritie de l'exécutif, et proclamait le bien-fondé des réclamations constitutionnelles de l'Assemblée. Mais en même temps, il accusait cette dernière de s'être laissée aveugler et dominer par les préjugés de race, et, cantonnée dans un nationalisme étroit, d'avoir entravé le progrès de la province. Mé- lange de vrai et de faux, où le faux trop souvent l'em- porte. L'esprit de ce document étant hostile à la conser- vation de notre nationalité, les passages qui nous sont favorables nous paraissent d'autant plus importants à signaler. Ainsi nous tenons à transcrire cette page de lord Durham sur notre clergé: "Les Canadiens fran- çais sont catholiques exclusivement, et leur Eglise a été laissée en possession des droits qu'elle avait à la conquête. Leurs prêtres jouissent de la dîme, mais comme elle est limitée par la loi aux terres dont le pro- priétaire est catholique, le prêtre perd sa dîme du mo- ment qu'une propriété passe, par vente ou autrement, entre les mains d'un protestant. Le clergé catholique de cette province s'est concilié à un remarquable degré le bon vouloir des personnes appartenant à toutes les croyances. Je ne connais aucun clergé paroissial dans il)— The Report..., pp. 70-79. 266 COURS d'histoire du canada le monde dont les vertus chrétiennes et le zèle pastoral soient plus généralement admis, et produisent de plus bienfaisants résultats. Possédant des revenus suffi- sants, et même considérables pour ce pays, et jouissant des avantages de l'éducation, il a vécu sur le pied de l'égalité et de la bienveillance avec les habitants les plus honorables et les mieux instruits des districts ru- raux. Familiers avec les besoins et le caractère de ceux au milieu desquels ils vivaient, les prêtres ont été les dispensateurs de la charité, et les gardiens de la morale populaire. Dans l'absence générale des ins- titutions permanentes du gouvernement civil, l'Eglise catholique a présenté la seule apparence de stabilité et d'organisation et elle seule a été le soutien de la civili- sation et de l'ordre (1)." Cette page fait honneur à celui qui l'écrivit aussi bien qu'à ceux au sujet desquel- les elle était écrite. Après avoir examiné la situation du Bas-Cana- da, lord Durham étudiait plus rapidement celle du Haut-Canada et des provinces maritimes. Puis, à la suite d'un chapitre sur les terres publiques et l'émigra- tion, que le cadre de cette leçon ne nous permet pas d'aborder, il donnait ses conclusions. D'après lui, pour favoriser le progrès et le dévelop- pement des colonies anglaises de l'Amérique du Nord, pour les pacifier et les attacher davantage à l'Angle- terre, il fallait leur accorder le gouvernement constitu- tionnel dans toute sa plénitude, et admettre loyale- ment la responsabilité de l'exécutif envers les cham- bres législatives (2). Lord Durham recommandait il)— Tbe Report pp. 97-98. • {2)—Ibid..., pp. 204-210. COURS d'histoirf. du canada 2()7 donc hardiment d'octroyer sans retard le gouverne- ment responsable aux provinces canadiennes. C'é- tait là une des idées capitales du célèbre rapport. Et elle devait avoir ultérieurement les plus importantes conséquences pour notre avenir politique. Mais dans le Bas-Canada, quel remède pouvait-on apporter au conflit des races? Un seul était possible et serait efficace; c'était de transformer la nationalité dominante, de l'assimiler à celle des provinces voisines, en un mot de l'angliciser. "Sans effectuer ce change- ment trop rapidement et trop violemment, disait le rapport, et en évitant de heurter les sentiments et de compromettre le bien-être de la génération actuelle, ce doit être dorénavant le dessein ferme et déterminé du gouvernement anglais d'établir une population an- glaise, avec les lois et la langue anglaise, dans cette province, et de ne confier son gouvernement qu'à une législature décidément anglaise (1)." En un mot, c'était la suppression de la nationalité canadienne française que conseillait lord Durham. Lui-même comprenait bien toute la gravité de sa proposition. Les Canadiens français formaient l'immense majorité du Bas-Canada. Leurs ancêtres avaient été les pionniers de la civilisation en ce pa\^s, et leurs traditions nationales étaient pour eux un anti- que héritage. Si l'une des deux races devait disparaî- tre, n'était-ce pas la nouvelle venue et la moins nom- breuse qui devait s'effacer? Lord Durham se faisait ces objections, mais il y répondait en disant que le Bas-Canada n'était qu'une partie des possessions bri- tanniques dans l'Amérique du Nord; que la race an- glaise formait presque toute la population dans les pro- (1)— Tfce Report..., p. 212. 268 COURS d'histoire du canada vinces voisines; que le flot de l'immigration l'augmen- tait sans cesse; que le Canada français serait un obs- tacle au progrès général; que les Anglais avaient la supériorité du capital et de l'intelligence, qu'ils étaient destinés à dominer irrévocablement en ce pays; que par conséquent l'unification de la population canadien- I ne devait se faire dans le sens de la prépondérance an- glaise. "Les Canadiens-français, écrivait-il, ne sont que les restes d'une ancienne colonisation; ils se trou- vent et sont destinés à être toujours isolés au milieu d'un monde anglo-saxon. Quoi qu'il arrive, quel que soit le gouvernement sous l'empire duquel ils seront placés, ils ne peuvent concevoir aucun espoir pour leur nationalité (1)." Et, d'ailleurs, aux yeux de lord Durham, cette nationalité ne pouvait que les tenir dans un état d'irrémédiable infériorité ! "C'est pour les faire sortir de cette infériorité que je désire angliciser les Canadiens, s'écriait-il. On peut diffi- cilement concevoir une nationalité plus dépourvue de ce qui est de nature à élever et à vivifier un peuple, que ne l'est celle des Français du Bas-Canada, par suite du maintien de leur langue et de leurs coutumes. Ils sont un peuple sans histoire, sans littérature... (2)." Lord Durham se montrait ici un observateur bien » superficiel. Comment ne s'était-il pas aperçu que la foi religieuse et nationale de notre peuple était pour celui-ci un principe de vitalité immortelle? En écri- vant cette partie de son rapport, il fit preuve d'un grand défaut de pénétration. Oui, sans doute, la con- quête, l'effondrement de notre ancien régime, la sépa- (1)—Tbe Report..., pp. 212-215. {2)-~Ibid, pp. 216-218. COURS d'histoire du canada 209 ration de l'ancienne mère-patrie, l'isolement, les désa- vantages de notre situation économique, nous avaient iniligé un arrêt de soixante ans. Mais nous avions subi sans fléchir cette terrible épreuve. Nous avions sauvé du naufrage notre religion, notre langue, nos lois, notre nationalité. Et maintenant, nous étions à la veille de récolter ce que les générations précéden- tes avaient semé dans les épreuves et les périls. Lord Durham ne vit pas cela. Il ne vit pas que le progrès, commencé déjà dans nos sphères sociales les plus éle- vées, allait descendre dans nos classes populaires. L'instruction allait se généraliser. La colonisation allait tripler l'étendue du sol cultivé par les descen- dants des pionniers français. Les paroisses allaient se multiplier. Notre commerce allait prendre un pro- digieux essor. Notre littérature allait naître et notre histoire s'écrire. Déjà, nous avions Parent, Garneau, Chauveau, Crémazie, Taché, Ferland et une foule d'autres étaient au moment de paraître à leur tour sur ' la scène. Nos hommes publics allaient briller de plus en plus dans l'arène parlementaire et exercer une ac- tion prépondérante sur la politique de ce pays. En un mot, les prédictions de lord Durham devaient re- cevoir des faits prochains un éclatant démenti. Nous ne mettons pas en doute sa sincérité. Il se trompait de bonne foi peut-être, mais il n'en comniet- tait pas moins envers notre race une cruelle injustice. Persuadé que le devoir du gouvernement britannique était de nous dénationaliser, il rechercha les meilleurs moyens de parvenir à ce but. Avec ses idées, il ne pouvait être question de rendre au Bas-Canada pure- ment et simplement sa législature, où les Canadiens français auraient encore eu le dessus. Que faire alors ? L'une de ces deux choses: organiser une Confédération 270 COURS d'histoire du canada de toutes les provinces anglaises de l'Amérique du Nord, ou bien unir les deux Canadas sous une seule législa- ture dans laquelle les Canadiens français seraient en minorité. Lord Durham avait d'abord songé au pre- mier de ces modes. Mais une union fédérale aurait laissé à chaque province sa législature autonome, in- vestie d'une importante juridiction. Et c'était pré- cisément ce qu'il s'agissait d'enlever au Bas-Canada. On pouvait éviter cet inconvénient en faisant, au lieu d'une union fédérale, une union législative de toutes les provinces anglaises. Mais il aurait fallu soumet- tre ce projet aux législatures et au peuple des provin- ces maritimes, ce qui aurait entraîné de longs délais. Or, l'état du Bas-Canada ne permettait pas d'atten- dre, suivant lord Durham. II finissait donc par re- commander l'union du Haut et du Bas-Canada, sous une législature où la représentation aurait pour base la population (1). II se déclarait hostile à l'idée de donner aux deux provinces une représentation égale, pour conférer momentanément un avantage à la pro- vince anglaise encore moins populeuse. Lord Durham voyait là une violation des principes d'équité en ma- tière de représentation; et d'ailleurs, il faisait observer que l'immigration anglaise accroîtrait la population du Haut-Canada assez promptement pour donner bientôt, sans injustice, à cette province, un plus grand nombre de députés (2).. Mais sur ce point, l'impa- tience des francophobes l'emporta, et le bill d'Union donna au Haut-Canada autant de représentants qu'au Bas-Canada qui avait 200,000 âmes de plus. il)—-The Report..., pp. 225-228. {2)~Ihid, p. 239. COURS D HISTOIRE DU CANADA 271 Tel est dans ses grandes lignes, le fameux rap- port de lord Durham. Son idée-mère c'était l'angli- cisation du Bas-Canada; et le moyen indiqué pour y parvenir c'était l'Union. Le moyen fut adopté, mais Iç but ne fut pas atteint grâce h Dieu! Sous l'Union, le Canada français s'est développé et fortifié. Au bout de vingt-sept ans, on a jugé nécessaire de reve- nir à cette idée de Confédération que lord Durham, après s'y être arrêté un instant, avait repoussée parce qu'elle nous aurait conservé notre autonomie provin- ciale. Cette autonomie nous l'avons obtenue en 1867. Nous l'exerçons depuis plus d'un demi siècle. La province de Québec renferme une majorité canadienne française et une minorité anglaise. Elle est gouver- née par une législature dont les trois-quarts des mem- bres sont d'origine française. Et la paix, la concorde, l'équité les plus parfaites régnent parmi nous. La minorité est traitée avec la plus large libéralité, les deux races vivent dans l'harmonie, et il n'y a pas une province de la Confédération où l'esprit de justice et de tolérance mutuelle domine au même degré. Au point de vue intellectuel, la province de Québec ne craint aucune comparaison. Au point de vue indus- triel, agricole et commercial, elle rivalise avec ses pro- vinces-sœurs. Et tout cela constitue la réfutation la f plus éloquente et la plus complète du rapport de lord I Durham. On a prétendu que le noble lord n'en était pas le véritable auteur, et que la paternité réelle doit en être attribuée à son secrétaire, M. Charles Buller. Il est fort possible que M. Buller ait travaillé au rapport, qu'il en ait même été le rédacteur principal. Mais il nous paraît incontestable que ce sont les vues, les prin- 272 COURS d'histoire du canada cipes, les idées de lord Durham qui font la substance et la trame de ce document historique (1). L'homme d'Etat dont le nom est resté identifié avec l'une des périodes les plus critiques de notre his- toire ne survécut pas longtemps à sa mission parmi nous. II mourut à Cowes, île de Wight, en 1840, l'an- née qui suivit son retour en Angleterre. M. Guizot, alors ambassadeur de France à Londres, raconte ainsi une visite qu'il lui fit peu de temps avant son décès: "M. Ellice me conduisit un jour à Putney, chez le gendre de lord Grey, lord Durham, naguère ambas- sadeur à Saint-Pétersbourg, puis gouverneur-général des possessions anglaises dans l'Amérique septentrio- nale, maintenant hors des affaires et malade à la mort; enfant gâté du monde, spirituel, populaire, encore jeune et beau, blasé sur les succès et irrité des épreuves de la vie. Nous causâmes de la Russie, de l'Orient, du Canada; la conversation le ranimait un moment; mais il retombait brusquement dans le silence, ennuyé même de ce qui lui plaisait, et subissant avec une fierté triste et nonchalante la maladie qui le minait comme les échecs politiques et les chagrins domestiques qui l'avaient frappé. Il m'aurait sûrement intéressé si, dans son orgueilleuse mélancolie, je n'avais reconnu une forte empreinte d'égoïsme et de vanité (2)". (1) — Dent, The Story of tbc Upper Canada Rébellion, t. II, p. 290. — The Greville Memoirs, t. II, p. 142. — Review oj bislorical publications, Canada, t. VII, pp. 53-54.- — Lije and letlers oJ the first Earl oj Durham, t. II, pp. 338-341. (2) — -Guizot, Mémoires pour servir à l'histoire de mon temps, t. V. COURS d'histoire du canada 273 Lord Durham n'avait que quarante-huit ans lors- qu'il mourut. Sa carrière avait été brillante et mou- vementée. Il laissa l'impression d'un homme qui â manqué sa vie pour n'avoir pas su imprimer à son caractère une assez énergique discipline. SOURCES ET OUVRAGES A CONSULTER F.-X. Garneaii, Histoire du Canada, cinquième édition, P.Mris, 1920, livre XVI, ch. m.— Christie, History oj ibe late Province oj Loiver Canada, Québec, 1854, t. V, ch. xlii. — Kingsford, History oj Canada, t. X.— Lije and Letters oj tbe First Earl oj Durbam, par Stuart J. Reid, Longmans, Green and Co, Londres, 1906. — Diclionary oj National Biograpby, t. XL — Encyclopedia Britannica, onxième édition, t. VI IL — Spencer Walpole, History oj England, jrom tbe conclusion oj tbe great war, 1815, Longmans, Green and Co, Londres, 1890, t. IV, ch. XV. — Justin McCarthy. A History oj our own time^, Belfords, Clark and Co., Chicago, 1879, t. U.—Tbe Greville Memoirs, a journal oj tbe reigns oj kings George IV and Wil- liam IV, edited by Henry Reeves, Appleton and Co, New- York, 1874, t. IL— John Charles Dent, The Story oj tbe Up- per Canadian Rébellion, C. Blackett Robinson, Toronto, 1885, t. IL chap. xxxvL. — F. Bradshaw, Selj government in Canada, Toronto, 1903. — Guizot, Mémoires pour servir à l'bistoire de mon temps, Paris, 1862, t. V. — Tbe Report and Despatcbes oj tbe Earl oj Durbam, Ridgways, Picadilly, Lon- dres, 1839. — Lord Durbam's Report on tbe affairs oj Britisb Nortb America, avec une introduction par sir C.-P. Lucas, 3 vols. Oxford, 1912. — Tbe Revieiv oj bistorical publications, Canada, t. VIL — Mirror oj Parliament, second séries, t. 7. — Rapport sur les travaux de la division des archives, pour l'année 1910, Ottawa, 1912. — Archives du Canada: Papiers d'Etat du Bas-Canada, Q. 246-1. — Englisb Blue Books (Rapport de lord Durham et Appendices), t. 9. CHAPITRE VII Le Conseil spécial. — Régime provisoire. — Pouvoirs et ju- ridiction limités. — Composition du Conseil. — Première session en 1838. — Vingt-six ordonnances. — Suspension de VHabeas corpus. — L'intermède Durham. — Un nou- veau Conseil. — Deuxième session en 1838. — La fameuse ordonnance de déportation. — Six ordonnances. — Col- borne succède à Durham. — Reconstitution du Conseil. — Troisième session en 1838. — Quinze ordonnances. — Nouvelle suspension de VHabeas corpus. — Quatrième session (février-avril 1839).— Soixante-sept ordonnan- ces.— Mesures importantes. — Voirie, érection de pa- roisses, construction d'églises et de presbytères. — L'or- donnance concernant les biens de Saint-Sulpice. — Brève revue de la question. — Solution équitable. — Au parle- ment britannique. — Un projet de loi pour l'union du Haut et du Bas-Canada. — Ses dispositions. — Le débat qu'il provoque. — Projet ajourné. — Prolongation du pro- visoire.— M. Poulett Thomson nommé gouverneur. — Ses antécédents et son caractère. — Les instructions de lord John RusselL— Faire accepter l'union. — M. Thom- son à l'œuvre. — Cinquième session du Conseil spécial (novembre 1839). — L'union approuvée par ce corps peu représentatif. — Dans le Haut-Canada. — M. Thomson à Toronto. — Adresse intolérante du conseil municipal. — Mentalité égoïste et fanatique de l'Assemblée législati- ve.— Procédés d'étranglement. — M. Thomson disci- pline les extrémistes. — Ses manœuvres sont couronnées de succès. — L'union approuvée par la législature haut- canadienne. — La question du gouvernement responsa- ble écartée. — Derniers travaux du Conseil spécial du Bas-Canada.— Le bill d'union de 1840.— Son analyse.— Egalité de représentation. — La langue anglaise seule officielle. — Une liste civile permanente. — La dette haut- canadienne imputable aux provinces unies. — La ques- tion de représentation. — Disproportion choquante en 276 COURS d'histoire du canada 1840. — L'opinion de lord Durhani. — Son hostilité clair- voyante.— Injustice actuelle et sauvegarde future. — La dette consolidée. — -Le Bas-Canada indûment surchar- gé.— Etat désastreux des finances haut-canadiennes. — La langue française. — Un outrage à notre sentiment national. — Le débat sur le bill d'union. — 'Lord John Russell. — Protestations d'O'Connell. — Discours sympa- thique de lord Gosford. — Un rapprochement opportun. — L'union décrétée par le parlement britannique. — L'in- fluence de M. Baring. — M. Thomson devient lord Sy- denham. — II proclame l'union. — Une protestation poé- tique.— Coup d'œll rétrospectif. Le récit des mouvements insurrectionnels de 1837 et de 1838, et l'étude de l'administration ainsi que du rapport de lord Durham, ne nous ont guère permis que de mentionner en passant le Conseil spécial créé en 1838. Nous allons y revenir et considérer un peu plus longuement le fonctionnement de ce corps instauré en marge de notre constitution suspendue. Le 10 février 1838, Sa Majesté la reine Victoria, alors dans la première année de son règne, sanction- nait une loi intitulée: "Acte pour établir des disposi- tions temporaires pour le gouvernement du Bas-Ca- nada (1)." II y était dit que, dans l'état actuel de la province, la Chambre d'assemblée ne pouvait être convoquée sans un grave détriment aux intérêts pu- blics, et conséquemment que le gouvernement ne pou- vait y être dûment administré suivant les dispositions de l'acte constitutionnel de 1791. Et il était déclaré "expédient de pourvoir temporairement au gouverne- ment du Bas-Canada, afin que le parlement pût, après mûre délibération, faire des arrangements permanents pour la constitution et le gouvernement de la province, sur telle base qui pourrait le mieux assurer les droits et (1) — StatutesoJ tbe United Kingdom, 1 et 2, Victoria, chll. COURS D HISTOIRE DU CANADA Z< i libertés et avancer les intérêts de toutes les classes des sujets de Sa Majesté." Après ce préambule, la loi statuait que l'acte de 1791, qui pourvoyait à la consti- tution et à la convocation d'un conseil législatif et d'une assemblée législative pour le Bas-Canada, ces- serait d'avoir force de loi jusqu'au 1er novembre 1840. Elle décrétait ensuite qu'il serait loisible à Sa Majesté de créer un conseil spécial pour les affaires du Bas- Canada, "et à cet effet de nommer ou d'autoriser le gouverneur de la province à nommer tels et autant de conseillers spéciaux qu'il paraîtrait convenable." Ces conseillers devraient, avant d'entrer en fonctions, prê- ter le serment requis auparavant des membres du Con- seil législatif et de l'Assemblée législative. Une fois le conseil constitué, le gouverneur pourrait, de l'avis et avec le consentement des conseillers présents, faire des lois ou ordonnances pour la paix, le bien-être et le bon gouvernement de la province, et ces lois et ordon- nances auraient la même force et le même effet que celles passées jusqu'ici par le Conseil législatif et l'As- semblée législative. Il y avait pourtant des restric- tions à ces pouvoirs. Nulle loi ou ordonnance ainsi faite ne resterait en vigueur au delà du 1er novembre 1842, à moins d'être continuée par une autorité com- pétente. Le Conseil ne pourrait abroger ni amender les lois existantes relativement à la constitution ou à la composition de l'Assemblée législative, ou à la franchise électorale, ou à la division de la province en comtés, cités et villes. Et il ne lui serait pas non plus loisible d'abroger ou d'amender aucune disposition législative des parlements de la Grande-Bretagne ou du Royaume-Uni, ni aucune loi de la législature bas- canadienne abrogeant ou amendant un acte des dits parlements. II était en outre interdit au Conseil d'im- 278 COURS d'histoire du canada poser aucune taxe, droit, contribution ou impôt quel- conque; il pourrait simplement continuer ceux qui étaient en vigueur. Aucune loi ou ordonnance ne pourrait disposer légalement des deniers entre les mains du receveur général de la province pour rembourser en tout ou en partie la somme de 142,160 louis avan- cée par le gouvernement impérial à compte du gou- vernement civil de notre province, à moins que ce remboursement ne fût autorisé par un certificat de trois des commissaires de la trésorerie britannique. En matière budgétaire, le Conseil ne pouvait affecter pour le service public une somme excédant celle des affectations totales votées par la législature en 1832. Toutes les lois ou ordonnances du Conseil pourraient être désavouées dans un délai de deux ans. Une dis- position spéciale décrétait qu'aucune loi ou ordonnan- ce ne pourrait être validement adoptée par le Conseil à moins que le gouverneur et cinq conseillers ne fus- sent présents. La loi qui créait le Conseil spécial fut promulguée ici le 29 mars 1838. Le 5 avril une proclamation de sir John Colborne convoquait les conseillers nommés par lui pour le 18 de ce mois. Parmi ceux-ci figu- raient onze de nos compatriotes. C'étaient MM. C- E. de Léry, Pierre de Sales Laterrière, Toussaint Po- thier, Amable Dionne, Charles Casgrain, Pierre de Rocheblave, Jules Quesnel, Barthélémi Joliette, J.-E. Faribauli, Joseph Dionne et Etienne Mayrand. Par- mi les membres anglais on remarquait MM. John Neil- son, James Stuart, Peter McGill, John Molson (1). La première session du Conseil spécial dura dix-sept jours, du 18 avril au 5 mai. Vingt-six ordonnances (1) — Voir le chapitre V. COURS D HISTOIRE DU CANADA 279 furent adoptées. Les principales furent celle qui sus- pendait l'acte de VHabeas corpus, celle qui pourvoyait au remboursement de 107,000 louis avancés à la pro- vince par le trésor impérial, celle qui affectait 47,344 louis aux dépenses civiles, celles qui subventionnaient l'éducation, les institutions de charité et l'agriculture, celle qui réglementait la presse, celle qui renouvelait les pouvoirs corporatifs de la banque de Montréal, enfin celle qui édictait de nouveaux règlements de milice (1). Vous vous rappelez sans doute que le terme d'of- fice de ce premier Conseil spécial ne fut pas de longue durée. Lord Durham en proclama la dissolution le 1er juin 1838. Nous avons vu comment il le remplaça par un conseil très singulièrement composé, avec le concours duquel il rendit sa fameuse ordonnance rela- tive à la déportation des prisonniers politiques (2). Lord Durham s'embarqua pour l'Angleterre le 3 novembre. Sir John Colborne, redevenu administra- teur, reconstitua le Conseil spécial en nommant de nouveau les membres qu'il y avait précédemment ap- pelé, ainsi que deux nouveaux conseillers, MM. Geor- ge Moffatt et Dominique Mondelet. Il les convoqua immédiatement en session à Montréal, où ils siégèrent du 9 au 21 novembre 1838, au moment où était répri- mée la deuxième insurrection. Ils adoptèrent quinze ordonnances (3) parmi lesquelles nous devons signa- (1) — Ordonnances du Conseil Spécial, 1838, t. I, chapi- pitres 2, 11, 12, 14, 16, 17, 18, 20, 22. (2) — Ordonnance 2, Vict, ch. I — Cinq autres ordonnan- ces furent rendues par ce conseil très spécial. (3) — Ordonnances du Conseil Spécial, 1838, t. III. 19 280 COURS d'histoire du canada 1er celle qui avait pour objet d'aider à la répression des troubles, et celle par laquelle était de nouveau sus- pendu VHabeas corpus (1). Au mois de janvier 1839, sir John Colborne devint gouverneur en titre. Et au mois de février, s'ouvrit la quatrième session du Conseil spécial. Elle dura deux mois, du 14 février au 13 avril, et fut très laborieuse. Soixante-sept ordonnances furent adoptées (2). L'u- ne d'entre elles était une refonte, avec certaines modi- fications nécessaires, de la fameuse loi de voirie de 1796. Une autre, désirée depuis longtemps, s'occu- pait de l'érection des paroisses, de la construction des églises et des presbytères. Méritent aussi une men- tion spéciale les ordonnances relatives aux chemins d'hiver, à la création d'une cour de circuit, à l'établis- sement d'un bureau des travaux publics, à la banque- route, à la réglementation des auberges. D'un certain point de vue, la plus importante était peut-être celle qui statuait sur la question des biens de Saint-Sulpice, pendant si longtemps controversée (3). Depuis l'é- poque de Craig et de Ryland, et même auparavant, le titre des messieurs de Saint-Sulpice à la propriété du magnifique domaine foncier qu'ils possédaient avait été sérieusement discuté par le gouvernement. A plu- sieurs reprises on avait manifesté des velléités de dé- clarer ces biens propriété de la couronne, en accor- (1) — La première suspension de VHabeas Corpus avait pris fin le 24 août 1838. (2)— Journal du Conseil Spécial, 1839, t. IV.— Ordon- nances du Conseil Spécial, 1839, t. IV. (3) — 2 Victoria, ch. l. Ordonnances du Conseil Spécial, 1839, t. IV, p. 517. COURS d'iiistoikf. du canada 281 dant au séminaire des compensations plus ou moins équitables. Dès 1773, sir James Marriott avait ex- primé une opinion défavorable à la validité des titres de Saint-Sulpice. En 1789, les officiers en loi de la province du Bas-Canada avaient opiné dans le même sens. En 1811, M. Ryland, chargé d'affaires de sir James Craig, avait saisi le gouvernement impérial de la question, et, grâce à son insistance, les officiers en loi britanniques s'étaient prononcé contre le droit de propriété de la communauté sulpicienne. En 1819, sous le duc de Riçhmond, les mêmes prétentions avaient ici été émises. En 1828, le procureur général James Stuart avait reçu instruction de lord Dalhousie de faire un rapport sur ce sujet, et il avait formulé des conclusions analogues à celles de M. Sewell. D'autre part, les messieurs de Saint-Sulpice avaient toujours soutenu la validité de leurs titres, et rédigé des mé- moires dont les arguments de droit et d'équité étaient restés sans réfutation valable (1). Cette longue con- troverse fut heureusement terminée à l'instigation du gouvernement, par l'ordonnance que nous avons men- tionnée tout à l'heure. Son en-tête indiquait nette- ment quelle en était la nature. Elle avait pour objet de "donner des pouvoirs corporatifs aux ecclésiastiques du séminaire de Saint-Sulpice, de confirmer leur titre aux fiefs et seigneurie de l'île de Montréal, du lac des Deux-Montagnes, et de Saint-Sulpice, et de pourvoir à l'extinction graduelle des droits et redevances sei- gneuriaux dans les limites des dites seigneuries." (1) — On trouve un résumé complet de cette question de Saint-Sulpice dans le cinquième rapport de la commission présidée par lord Gosford, en 1836. {Englisb Blue Books, t. 13, pp. 143 et suivantes). 282 COURS d'histoire du canada C'était assurément une solution heureuse, et cet acte législatif était de nature à donner quelque relief au Conseil spécial, par ailleurs si dénué de prestige aux yeux de notre population. Pendant que ce corps politique légiférait ici dans les limites de sa juridiction restreinte, les ministres britanniques délibéraient sur la constitution nouvelle dont il convenait de gratifier la province. II était ma- nifeste que les événements de 1837 et de 1838 avaient donné le coup de mort à l'Acte constitutionnel de 1791. Les hommes d'Etat anglais étaient bien préparés à accepter les conclusions si catégoriques de lord Dur- ham. A la session de 1839, lord John Russell pré- senta un bill dont l'objet était de réunir sous une seule législature le Haut et le Bas-Canada. D'après ce projet de loi, "le district de Gaspé et les îles de la Made- leine devaient être annexés au Nouveau-Brunswick. Les deux Canadas étaient divisés en cinq districts sub- divisés respectivement en neuf circonscriptions élec- torales, formant quarante-cinq comtés représentés chacun par deux membres. En outre les villes de Montréal, de Québec, de Toronto et de Kingston nom- maient chacune deux députés, ce qui faisait en tout quatre-vingt-dix-huit représentants. Les limites de ces districts devaient être fixées par cinq arbitres. Le Haut Canada et le Bas-Canada, avaient, autant que possible, un égal nombre de représentants. Les con- seillers législatifs n'étaient nommés que pour huit ans (1). Dans chacun des cinq districts, il devait y (1)^ — L'article 12 du bill contenait des dispositions très particulières. II décrétait que les conseillers législatifs de- vraient être choisis parmi les personnes qui auraient été juges du Haut ou du Bas-Canada, colonels de milice, mem- COURS d'histoire du can'ada 283 avoir un conseil composé de vingt-sept membres, élus de la même manière que les membres de l'Assemblée, et dont neuf devaient sortir de charge chaque année à tour de rôle. Ce conseil devait siéger tous les trois mois et s'occuper de tout ce qui fait aujourd'hui l'ob- jet des délibérations des conseils municipaux. Une liste civile composée de la somme alors payable par les deux provinces devait être prise avant toute autre charge sur le revenu consolidé. Les capitulations de- vaient être respectées, etc (l)." En soumettant ce bill, lord John Russell annonça que le gouvernement ne se proposait pas de le faire adopter durant la session présente. II voulait sim- plement provoquer des expressions d'opinion et saisir le parlement de la question. Un protêt haut-canadien était parvenu au ministère. Le juge en chef Robin- son, de passage à Londres, en était l'auteur. Sir Ro- bert Peel, tout en approuvant le principe du bilI, en recommanda fortement l'ajournement. En attendant, comme il fallait parer à l'expiration des pouvoirs du Conseil spécial avant que la nouvelle constitution fût adoptée, on la prolongea de seize mois. Et on nom- ma AI. Charles-Edouard Poulett Thomson gouver- neur en chef des provinces britanniques de l'Améri- que du Nord. M. Thomson — qui devait plus tard être élevé à la pairie sous le titre de lord Sydenham — bres du conseil executif, ou de l'assemblée du Haut ou du Bas-Canada, présidents des conseils de district (dont il était question dans le bilI), ou maires d'une ville ou cité incorporée. (1) — Ce bilI, qui ne devint pas loi, était imprimé au long dans la Gazette de Québec du 29 juillet 1S39. Le débat dont il fut l'objet se trouve aux Hansard's Parliamentary Debates, troisième série, t. 47, pp. 1254-1290. et t. 48, pp. 95, 208, 1007. 284 COURS d'histoire du canada était député de Manchester et membre du cabinet libéral de lord Melbourne, avec les fonctions de prési- dent du bureau de commerce (1). II était doué de talents remarquables et d'une grande énergie. Mem- bre d'une importante maison commerciale avant d'entrer au parlement, il avait acquis une connaissance approfondie des questions financières et fiscales. En matière de tarif M. Thomson était libre-échangiste. Ses quinze années de vie parlementaire et ses cinq années de carrière ministérielle lui avaient donné une vaste expérience politique et administrative. L'étude de sa biographie et l'analyse de sa correspondance (2) nous révèlent chez lui un singulier contraste. Ce libéral prononcé, qui comptait par miles réformateurs les plus hardis d'un cabinet ardemment réformiste, était ce- pendant un autoritaire. Et notre nouveau gouverneur réalisait admirablement le type de ces démocrates avérés qui savent se muer à l'occasion en parfaits au- tocrates. Un résumé des instructions adressées par lord John Russell à M. Thomson nous donnera une excellente idée de la mission qu'on lui confiait et qu'il devait accomplir parmi nous. "L'union des Canadas dépend de l'appui des pro- vinces elles-mêmes, et le plus important de vos devoirs sera d'obtenir leur coopération. Les principes sur lesquels l'union devra être basée sont ceux-ci; union des deux provinces effectuée à des conditions équita- bles, maintien des trois branches de la législature, fixa- (1)— En 1839 M. Charles-Edouard Poulett Thomson, était âgé de quarante ans. (2) — Memoir oj tbe Lije oj the right honorable Charles lord Sydenbam, edited by his brother, G. Poulett Scrope, esq, M. P. COURS d'histoire du canada 285 tion d'une liste civile permanente, et enfin établisse- ment d'un système de gouvernement local, ou de corps représentatifs librement élus par les cités et les com- munes rurales. Vous pouvez nommer dans chaque province un certain nombre de personnes de poids et d'expérience pour dresser le projet d'acte d'union. I -'importance qu'il y a de maintenir la plus grande har- monie possible entre la politique de la législature et celle du gouvernement exécutif est trop évidente pour être mise en question; et vous devrez en conséquence faire tout en votre pouvoir pour appeler à vos conseils et employer dans le service public des hommes qui, par leur position et leur caractère, auront obtenu la confiance et l'estime générale des habitants de la pro- vince. Il sera important de former un fonds d'émi- gration à même le produit de la vente des terres de la Couronne, et le meilleur moyen pour cela serait de re- prendre les grandes étendues de terre restées, en la possession de leurs concessionnaires, dans leur état inculte et improductif, ce qu'on pourrait obtenir par l'imposition d'une taxe. L'établissement d'institu- tions municipales et l'avancement de l'éducation de- vront aussi être pour vous l'objet d'une attention spé- ciale. Pour ce qui est du Haut-Canada, l'expérience du lieutenant-gouverneur, sir George Arthur, vous sera d'un grand secours. Mais la grande question qui devra fixer votre attention sera celle des finances. Quelques-uns des actes passés par les deux chambres de cette province n'ont pu obtenir la sanction de Sa Majesté, parce qu'ils tendaient à faire peser sur le tré- sor britannique des dépenses encourues par la colonie. Sa Majesté a pareillement refusé son assentiment à l'acte des réserves du clergé passé dans la dernière session de la législature du Haut-Canada, parce qu'elle 28G COURS d'histoire du canada est d'avis que le parlement provincial aura, pour régler cette difficile question, des renseignements relatifs aux besoins et aux opinions générales de la communauté canadienne, qui manquent nécessairement au parle- ment impérial (1)." L'objet capital de la mission déférée à M. Thomson consistait à faire accepter l'union par les deux provin- ces. Pour le Bas-Canada, c'était une tâche impossible. L'immense majorité de la population était hostile à cette mesure en 1839, autant qu'elle l'avait été en 1822. Mais s'il était inutile de songer à obtenir une appro- bation réelle, on pouvait se rabattre sur une approba- tion factice. La législature qui aurait pu exprimer l'opinion du Bas-Canada était virtuellement suppri- mée, et le gouvernement devait soigneusement se gar- der de solliciter, en l'absence des élus, l'avis des élec- teurs. Cependant si l'on avait enlevé à notre provin- ce son parlement on lui en avait octroyé un simulacre. Le Conseil spécial n'était pas sans doute un corps re- présentatif; toutefois c'était, dans une certaine mesure un corps législatif. Il pouvait adopter des résolutions et des ordonnances. M. Thomson se dit avec raison qu'il devait être possible d'obtenir son assentiment. Cependant, il se fit un point d'honneur de ne pas mo- difier la composition du Conseil, et de s'adresser à lui tel qu'il existait, tel qu'il avait été constitué par sir John Colborne (2). En agissant ainsi il ne courait (1) — Journal de l'Assemblée législative du Canada, 1840, pp._ 444-450. Lord John Russell au très honorable C.-Pou- lett Thomson, 7 sept. 1839: Kennedy, Documents oj tbe Ca- nadian constitution. — Nous avons emprunté cette excellente analyse à l'ouvrage de M. Gérin-Lajoie, Dix ans au Canada. (2) — C. Poulett Thomson à lord John Russell, Mont- réal, 18 novembre 1839: "Je prie votre Seigneurie de remar- COURS D HISTOIRE DU CANADA 287 pas un grand risque. La plupart des membres du con- seil (1) avaient été nommés parce que le gouvernement savait que leurs vues étaient conformes aux siennes. M. Thomson les convoqua à Montréal pour le 11 no- vembre 1839. Il commença par nommer président de ce corps M. James Stuart, l'ancien leader populaire, et l'ancien procureur général, devenu récemment juge en chef du Bas-Canada en remplacement du juge Se- well. Puis il appela l'attention des conseillers sur le message adressé par Sa Majesté au parlement impérial le 3 mai précédent, relativement à l'union législative du Haut et du Bas-Canada. "Des sacrifices mutuels seraient sans doute requis, des concessions mutuelles seraient nécessaires. Mais son Excellence se décla- rait convaincue que les termes de l'union pourraient être déterminés par le parlement impérial avec équité pour les deux provinces et à l'avantage de tous leurs citoyens." Le gouverneur terminait en "sollicitant l'opinion du conseil sur cet important sujet (2)." Le 12 novembre, les résolutions suivantes étaient soumises aux délibérations des conseillers: "1° Que, quer que les membres composant le Conseil spécial restent les mêmes que durant l'administration de mon prédéces- seur... J'ai pensé que, l'opinion du gouvernement de Sa Ala- jesté au sujet de l'Union étant bien connue, il était extrê- mement désirable qu'il me fût possible de soumettre la con- sidération de cette question importante à un Conseil dans le choix duquel je n'aurais eu aucune part." {Memoir of lord Sydenbam, p. 134; Christie, V. p. 223.) (1) — II y avait de notables exceptions. Signalons entre autres MM. John Neilson, Amable Dionne, Charles-Eusèbe Casgrain, Quesnel, Cuthbert, etc. (2) — Christie, t. V. p. 317; Journal du Conseil Spécial, 1839. t. V, p. 3. 288 COURS d'histoire du canada dans les circonstances présentes, afin de pourvoir sûre- ment à la paix, à la tranquillité au bon et efficace gou- vernement constitutionnel des provinces du Haut et du Bas-Canada, la réunion de ces provinces sous une légis- lature est devenue dans l'opinion de ce conseil une ur- gente et inévitable nécessité; 2° que la détermination, déclarée par Sa Majesté dans son gracieux message au parlement, de réunir les provinces du Haut et du Bas-Canada, est conforme à l'opinion de ce conseil, et reçoit son acquiescement humble et empressé; 3° que, parmi les dispositions principales qui, suivant ce con- seil, devraient être incluses dans l'Acte impérial dé- crétant l'union, il est expédient et désirable de pourvoir à une liste civile suffisante pour garantir l'indépen- dance des juges, et assurer le maintien du gouverne- ment exécutif dans l'exercice de ses fonctions néces- saires et indispensables; 4° que, vu la nature de la dette publique du Haut-Canada et les fins pour les- quelles elle a été principalement contractée, entre au- tres l'amélioration des communications intérieures, également utile et avantageuse aux deux provinces, il serait juste et raisonnable, dans l'opinion de ce con- seil, que la partie de cette dette contractée pour cet objet et non pas pour payer des dépenses locales soit imputable au revenu des deux provinces; 5° que l'ar- rangement et le règlement des conditions de réunion des deux provinces peuvent, suivant l'opinion de ce con- seil, être soumis en toute confiance à la sagesse et à la justice du parlement impérial, avec la ferme convic- tion que les dispositions plus haut mentionnées et celles qui pourraient de plus être requises recevraient toute la considération désirable; 6° que, suivant ce conseil, en vue d'assurer la sécurité des provinces nord- américaines de Sa Majesté, et la prompte suppression COURS d'histoire du canada 289 des énormes dépenses encourues par la métropole pour la défense du Haut et du Bas-Canada, il est extrême- ment expédient de remplacer aussitôt que possible la présente législature temporaire de cette province par une législature permanente, dans laquelle le peuple des deux provinces serait exactement représenté, et leurs droits constitutionnels seraient exercés et protégés(l)." Le 13 novembre ces résolutions furent adoptées à une forte majorité. Voici quelle fut la division des votes sur la première, la deuxième, la quatrième, la cinquième et la sixième: Pour les résolutions, l'hono- rable James Stuart, juge en chef, MM. Pothier, de Léry, Moffatt, McGill, de Rocheblavc, Gerrard, Chris- tie, Walker, Molson, Harwood, Haie (de Sherbrooke); contre les résolutions, MM. Cuthbert, John Neilson et Quesnel. Sur la troisième M. Neilson enregistra seul un vote hostile (2). Ce résultat réjouit vivement le gouverneur. II en informa immédiatement le mi- nistre. II pouvait bien se féliciter. Les votes du Conseil spécial indiquaient une extrême bonne volonté. Celui par lequel il ratifiait d'avance l'imputation de presque toute la dette haut-canadienne sur le budget commun du Haut et du Bas-Canada témoignait spé- cialement d'une générosité et d'une abnégation peu ordinaires. Nous croj^ons vraiment que le gouverneur n'eût pas trouvé beaucoup de bas-canadiens éclairés et consciencieux pour contresigner la phrase suivante de sa lettre à lord John Russell: "J'ai toute raison de croire que le conseil constitue une très juste représen- (1) — Christie, t. V, pp. 317-319; Journal du Conseil Spécial, 1839, t. V. p. 7. {2)—Ibid, pp. 9 et 10. 290 COURS d'histoire du canada tation de l'état d'esprit qui règne dans les différents districts de la province (1)." Mais ce n'était pas tout d'avoir enlevé l'adhésion du Conseil spécial bas-canadien. Il fallait maintenant obtenir celle de la législature haut-canadienne. Et M. Thomson aborda sans retard cette seconde moitié de sa tâche. Le 18 novembre 1839, il quittait Montréal après avoir ajourné le Conseil spécial, et le 22 il était à Toronto. L'adresse qu'il reçut du conseil municipal de cette ville pouvait donner une idée de l'état d'esprit qui prévalait là-bas, en certains milieux, au sujet du Bas-Canada et des Canadiens français. On y lisait le passage suivant : "Aj^ant compris que l'un des prin- cipaux objets de votre visite en cette province, pour as- sumer la responsabilité de son gouvernement, est de constater l'état de l'opinion publique relativement à l'union législative proposée entre le Haut et le Bas- Canada, nous demandons respectueusement la per- mission d'exprimer notre conviction que toute union législative serait fatale à l'union de ces provinces avec la mère-patrie, si elle n'avait pas pour fondement la prédominance de la partie loyale de notre population, mais accordait à l'élément qui, par son éducation, ses coutumes et ses préjugés est étranger à notre nation et à nos institutions, surtout à cette fraction qui a été engagée dans une rébellion ouverte et dans une cons- piration traîtresse contre le gouvernement, les mêmes droits et les mêmes privilèges qu'à la loyale population britannique de ces provinces dont la fidélité et le zèle envers le Souverain et la constitution se sont manifes- (1) — Memoir oj tbe Life oj tbe rigbt honourahle Charles lord Sydenham, p. 134. COURS d'uistoike du canada 291 tés au risque de sa vie et de ses biens (1)." II n'y avait pas à s'y tromper, ces loyaux représentants de la cité de Toronto, du "plus haut corps municipal de la province", comme ils le proclamaient eux-mêmes, si- gnifiaient au représentant de la couronne que les Cana- diens français devaient être exclus des privilèges con- férés par la future constitution à la population d'origine britannique. Le conseil de ville de la capitale haut- canadienne ne faisait d'ailleurs qu'exprimer sous une forme nouvelle les sentiments manifestés antérieure- ment par la législature de sa province. Durant sa dernière session elle avait adopté des résolutions en faveur de l'union, mais avec des conditions spéciales. Elle avait stipulé entre autres choses que le siège du gouvernement de la province unie devrait être dans le Haut-Canada; que le nombre des députés à l'assemblée pour chacune des provinces serait de 50 pour le Bas- Canada, et pour le Haut-Canada de 62 (c'est-à-dire le chiffre actuel susceptible d'être augmenté suivant l'aug- mentation de la population); qu'après un certain délai, qui ne devait pas dépasser 1845, la franchise électorale dans les comtés serait restreinte à ceux où les terres seraient tenues en franc et commun soccage; enfin que la langue anglaise seule serait en usage dans la législa- ture, devant les tribunaux, et dans toutes les procé- dures publiques. (2) Nous n'avons pas besoin d'insister sur le caractère odieux de ces conditions posées d'a- vance par la législature haut-canadienne comme co- (D— Christie, t. V, p. 328; Kingsford, c. X, p. 513; Me- moir oj tbe Life oj lord Sydenbam, pp. 139-140. (2) — Appendix to Journal oj tbe House oj Assembly oj Upper Canada, session 1839, t. II partie II, p. 749. 292 COURS d'histoire du canada rollaire obligé de son adhésion au projet d'union. Ecou- tez comment le biographe de lord Sydenham, son pro- pre frère, la jugeait lui-même: "Leur effet, si elles avaient été acceptées, aurait été de dépouiller les Cana- diens français de tout pouvoir politique. Par la se- conde condition ceux-ci, nonobstant leur supériorité numérique, auraient été condamnés à une infériorité de représentation sans espoir et constamment croissante. Par la troisième, avant quatre ans ils auraient été pres- que complètement défranchisés, leur province étant soumise, pour la plus grande partie de son territoire, au régime de la tenure seigneuriale et non pas à celui du franc et commun soccage. Enfin par la dernière, ils auraient été placés en interdit non seulement dans la législature, mais devant les cours de justice et même dans toute autre assemblée publique (1)." En justice pour le gouverneur, il faut reconnaître qu'il résolut dès le principe de combattre ces vues étroites, où l'intolérance s'affirmait jusqu'à l'absurde. Il voulait bien l'union, il désirait bien voir s'opérer l'an- glicisation graduelle des Canadiens français, mais il refusait de recourir à des procédés d'étranglement d'une simplicité aussi draconienne. L'adresse de la cité de Toronto lui fournit une occasion de manifester immédiatement ses sentiments. Et il y introduisit cette Déclaration significative que l'union, "pour être d'un avantage permanent, devait être fondée sur des principes de justice égale envers tous les sujets de Sa Majesté." La session de la législature haut-canadienne s'ou- vrit le 3 décembre 1839, et le 10 février M. Thomson la (1) — Memoir of tbe Life of tbe rigbt honourable Cbarles lord Sydenham, pp. 160-161. COURS d'histoire du canada 293 prorogeait après avoir fait adopter des résolutions favo- rables à l'union, et formulant des principes conformes aux vues du gouvernement. On y déclarait que cha- cune des deux provinces aurait droit à une représen- tation égale; qu'une liste civile suffisante serait accor- dée à Sa Majesté pour assurer l'indépendance des juges et la liberté d'action du gouvernement exécutif; que la dette publique du Haut-Canada serait imputa- ble au revenu conjoint des deux provinces. Le gou- verneur avait été obligé de lutter pour obtenir ce résul- tat. Son intervention personnelle auprès des princi- paux chefs de la législature avait été nécessaire. L.e Family Compact, c'est-à-dire le parti qui depuis long- temps avait concentré entre ses mains le patronage et l'influence administrative, était hostile à l'union,^ et, si elle devait être adoptée, il voulait au moins qu'elle eût pour base l'inégalité des droits. Un de ses porte- parole, M. Sherwood, proposa que le Bas-Canada fût représenté par 50 voix seulement et le Haut-Cana- da par 62. Cette motion fut rejetée par 36 voix contre 19. Un autre député, M. Cartwright, présenta une résolution ayant pour but de stipuler que la capitale serait fixée dans le Haut-Canada, que l'anglais seul serait la langue de la législature, et qu'une qualifica- tion foncière serait requise des membres de l'assemblée. Cette motion fut repoussée par 29 voix contre 21 (1). Outre les résolutions relatives à l'union, M. Pou- lett Thomson fit adopter un bill concernant les réserves du clergé, auquel il attachait une grande importance. Durant cette session de la législature haut-canadienne, il fut aussi beaucoup question du gouvernement res- (l^_Pour ces débats et ces votes voir Christie, V. pp. 334-353; Kingsford, X, pp. 515-618. 294 COURS d'histoire du canada pensable. Le gouverneur avait reçu à ce sujet une dépêche de lord John Russell (1), qui, au fond, était plutôt défavorable. II refusa d'en communiquer la teneur, se contentant de dire que "Sa Majesté hii com- mandait d'administrer le gouvernement de la province conformément aux vœux bien compris et aux intérêts du peuple, et d'accorder aux sentiments de celui-ci, manifestés par ses représentants, la déférence qui leur est justement due (2)." Quoique cette déclaration fût peu compromettante, elle parut donner satisfac- tion aux réformistes du Haut-Canada. Son œuvre terminée à Toronto, le gouverneur re- descendit triomphant à Montréal. II manifestait ainsi son exultation dans une lettre privée: "J'ai prorogé mon parlement et je vous envoie mon discours. Ja- mais il n'y eût pareille unanimité. Quand l'orateur en eût donné lecture dans la Chambre, après la proro- gation, on fit entendre en mon honneur une triple ac- clamation à laquelle les ultras eux-mêmes s'associè- rent (3)." De retour à Montréal, le gouverneur y réunit de nouveau le Conseil spécial pour compléter sa cinquiè- me session commencée le 11 novembre précédent. Re- (1) — Russell à Thomson, 14 oct. 1839: Kennedy, Docu- ments oj tbe Canadian Constitution, p. 522. (2) — Une autre dépêche de lord John Russell [Ibid, p. 524), dont la nature devait satisfaire davantage les réformis- tes, fut rendue publique par le gouverneur. Elle avait pour objet la tenure d'office des officiers publics et déclarait qu'ils ne devaient pas se considérer comme inamovibles. Elle visait surtout les conseillers exécutifs. Elle parut à quel- ques-uns un acheminement vers le gouvernement responsable. (3) — Memoir of the Lije oj the right bonourable Charles lord Sydenbam, p. 171. COURS d'histoire du canada 295 prise le 20 avril elle se termina le 26 juin. Cinquante ordonnances en tout furent adoptées. A part celle de Saint-Sulpice, édictée de nouveau, moins un article considéré inopportun, elles étaient d'intérêt secondaire. Ce n'était pas au Canada, c'était en Angleterre, c'était au parlement de Westminster que se discutaient en ce moment les affaires importantes. Sur réception des dépêches de M. Poulett Thomson, qui lui avait transmis, avec l'adhésion des corps législatifs canadiens, un projet de loi rédigé par lui-même et sir James Stuart, lord John Russell avait présenté, le 23 mars 1840, un bill ayant pour objet de décréter l'union du Haut et du Bas-Canada et déterminer la constitution de la nou- velle province. Voici quelles en étaient les grandes lignes. Le Haut et le Bas-Canada ne formaient qu'une seule province sous le nom de province du Canada. Le pouvoir législatif se composait d'un conseil légis- latif et d'une assemblée législative, chargés de faire, avec l'assentiment de Sa Majesté ou de son représen- tant, des lois pour le bien-être et le bon gouvernement du Canada. Les conseillers législatifs seraient nom- més à vie; leur orateur serait désigné par le gouver- neur. L'assemblée se composerait de quatre-vingt- quatre membres, dont quarante-deux pour le Haut- Canada, et quarante-deux pour le Bas-Canada. Tout bill se proposant de changer le nombre des représen- tants devrait être appuyé au moins par les deux tiers des membres de chaque chambre. Les députés de- vraient posséder une qualification foncière de 500 louis sterling. II devrait y avoir au moins une session tous les douze mois. L'orateur de l'assemblée serait élu par cette dernière. Le gouverneur aurait le droit de refuser sa sanction aux bills ou de les réserver pour la sanction royale, et la Reine pourrait désavouer tout 20 296 COURS d'histoire du canada bill sanctionné, sous un délai de deux ans. Les bills relatifs aux droits du clergé et de la couronne devraient être soumis aux deux chambres du parlement britan- nique avant de recevoir la sanction de Sa Majesté. La langue anglaise serait la seule langue législative. Le gouverneur aurait le droit de se nommer des délégués ou assistants (en anglais deputies). Au parlement im- périal était réservé la réglementation du commerce et de la navigation entre le Canada et les autres pays. Les lois existantes dans le Haut et le Bas-Canada de- meureraient en vigueur. Les revenus respectifs des deux provinces seraient confondus dans un fonds con- solidé commun. Une liste civile formée de deux som- mes, l'une de 45,000 louis et l'autre de 30,000 louis, serait affectée permanemment, quant à la première somme, aux salaires du gouverneur et des juges, et durant la vie du souverain, quant à la seconde somme, à ceux des principaux fonctionnaires civils. Les reve- nus de la couronne seraient abandonnés à la province en considération de cette liste civile. Le gouverneur aurait le droit d'ériger de nouveaux cantons ou town- ships. Les articles des constitutions antérieures, des traités, des capitulations continueraient d'être en vi- gueur (1). Telles étaient les principales dispositions du bill d'union. Nous ne saurions entreprendre de les étudier en détail. Mais il en est quelques-unes auxquelles nous croyons devoir donner une considération spéciale. Commençons par l'article 12 qui décrétait l'égalité de représentation pour les deux provinces. Au moment (1) — Statutes oj tbe United Kingdom, 3 et 4 Victoria, chap. 35.; Houston, Constitutional Documents oJ Canada, p. 149; Gérin-Lajoie, Dix ans au Canada, pp. 42-43. COURS D HISTOIRE DU CANADA 297 de l'union, il fut dénoncé énergiquement par ceux qui avaient le droit de parler au nom de notre peuple. La population du Bas-Canada était à ce moment de 650,- 000 âmes et celle du Haut-Canada de 450,000, soit une difTcrence de 200,000 âmes en faveur du premier. Et cependant le bill d'union donnait à la province moins populeuse une représentation égale à celle de la pro- vince plus populeuse. N'était-ce pas là une iniquité flagrante? Lord Durham lui-même n'avait pas voulu la recommander dans son rapport. Il avait écrit: "Je suis contraire aux plans proposés pour donner un nom- bre égal de députés aux deux provinces afin d'obtenir temporairement l'avantage du nombre sur les Cana- diens français (1)." Cette opinion de lord Durham ne constituait-elle par la plus écrasante condamnation de l'article 12? Peut-être, serions-nous tentés de dire. Et si l'on nous demandait la raison de cette formule dubitative, nous citerions simplement la suite du passa- ge ci-dessus. Pourquoi lord Durham se déclarait-il hostile à l'égalité de représentation? "Parce que, disait-il, je crois que le même objet (l'avantage numé- rique sur les Canadiens français) sera obtenu sans aucune violation des principes de la représentation et sans aucune apparence d'injustice, et parce que, lorsque l'émigration anglaise aura accru la population du Haut- Canada, ce principe de l'égalité aura un effet diamétra- lement opposé à celui qu'on vise (2)." Evidemment lord Durham était un adversaire plus clairvoyant que les auteurs du bilI. II se disait que l'avantage numé- rique concédé aujourd'hui aux Canadiens français en (1) — Report and Dispatcbes oj lord Durham Londres 1839, p. 239. (2)—Ibid. 298 COURS d'histoire du canada vertu du principe de la représentation basée sur la population, se transformerait demain en désavantage grâce à l'immigration anglaise. Sans doute, si l'on adoptait son idée, en 1840 le Bas-Canada se trouvait à avoir 60 députés contre 50 pour le Haut-Canada; mais dans dix ans l'écart s'accuserait en sens inverse, et le Haut-Canada devrait avoir dix députés de plus que le Bas. En présence de cette éventualité inévi- table, la question changeait de face. Et l'article 12 devenait susceptible de provoquer à la fois la critique et l'approbation. Par un singulier contraste, il appa- raissait en même temps comme une injustice actuelle et une sauvegarde future. Dans la pensée de ses au- teurs, et comme objet immédiat, il devait priver les Canadiens français de la représentation à laquelle ils avaient actuellement droit. Mais par sa portée ulté- rieure, il devait les protéger un jour contre la prédo- minance accrue de l'élément anglais grossi par le flot incessant de l'émigration britannique. En l'édictant, lord John Russell et ses collègues violaient l'équité présente, mais c'était une Jelix culpa comme il s'en ren- contre parfois au cours de l'histoire. Et, à la lumière des faits subséquents, nous ne pouvons vraiment plus considérer l'article 12 comme l'un des griefs définitifs du Bas-Canada contre l'Acte d'union. Passons aux articles 50 et 56. Ils avaient pour objet de joindre les revenus des deux provinces en un seul fonds consolidé sur lequel serait imputé en secon- de obligation, immédiatement après les frais de per- ception, l'intérêt sur la dette publique des deux pro- vinces imies. Or, à ce moment, le Bas-Canada n'avait qu'une dette insignifiante, estimée par le gouverneur à 95,000 louis, tandis que la dette du Haut-Canada était d'au moins 1,200,000 louis, pour laquelle il fallait COURS d'hISTOIRF nu CANADA 299 payer environ 5G,000 louis cl'intérc^t (1). Lord Dur- ham avait écrit dans son rapport en parlant du Haut- Canada: "Cette province est chargée d'une dette de plus d'un million de louis; le revenu entier, de 00,000 louis environ, peut à peine suffire au paiement de l'in- térêt" (2). De son côté M. Poulett Thomson écrivait* "Les finances (du LIaut-Canada) sont en plus mauvais ordre qu'on ne le croit en Angleterre. Le déficit est de 75,000 louis par année, soit une somme plus consi- dérable que celle du revenu (3)." Comme on le voit, la situation financière du Haut- Canada n'était pas brillante. Une province qui ne peut plus payer les intérêts de sa dette est bien près de la banqueroute. Et le Bas-Canada avait assuré- ment le droit de regimber devant un acte qui lui im- posait un passif aussi lourd et le rendait solidaire d'o- bligations auxquelles il n'avait pas concouru. M. Poulett Thomson et les défenseurs du bill en parle- ment essayaient de répondre à cette objection en re- présentant que la plus forte partie de la dette haut- Ci) — Le très honorable C.-Poulett Thomson à lord John Russell, 11 mars 1840; Englisb Blue Books t. 7: Correspon- dence relative to tbe affairs oj Canada, 1840, partie IV, p. 28; sir George Arthur, au marquis de Normanby, 8 juin 1839; Correspondence relative to the affairs of Canada, 1840, partie III, Haut-Canada, p. 46. (2) — Report and Despatches oj lord Durham, p. 135. (3) — Memoir and Life oJ tbe right bonourable Charles lord Sydenbam, p. 149. — L'historien Kingsford, un haut- canadien, écrit à ce sujet: "There was every requirement for Upper Canada to sustain législation which would relieve the province from its embarrassments. The province was on the verge of bankruptcv." {History oj Canada, t. X, p. 507). 300 COURS d'histoire du canada canadienne, soit 900,000 louls, avait été contractée pour la construction du canal Welland et du canal de Cornwall, et que ces travaux étaient vraiment d'inté- rêt général, le Bas-Canada devant en bénéficier autant que l'autre province. A cela on pouvait répliquer que ces canaux n'étaient pas en ce moment de grande utilité pour le Bas-Canada,à qui le Saint-Laurent assu- rait une libre voie fluviale jusqu'à Montréal. Un article qui devait naturellement soulever une vive irritation parmi les Canadiens français, c'était le 4V. Il se lisait comme suit: "Tous les brefs, pro- clamations, instruments, ayant pour objet de convo- quer, de proroger le conseil législatif et l'assemblée lé- gislative, ou de dissoudre la législature, et tous les man- dats de convocation et d'élection, et tous les brefs et instruments publics quelconques concernant les dits conseil législatif et assemblée législative ou l'un d'eux, et tous rapports de tels brefs, mandats et instruments, et tous journaux, entrées ou procédures quelconques écrites ou imprimées des dits conseil législatif et assem- blée législative ou de chacun d'eux respectivement, et toutes procédures écrites ou imprimées des comités des dits conseil législatif et assemblée législative res- pectivement, devront être en anglais seulement; pour- vu toujours que cette disposition ne soit pas interpré- tée de manière à empêcher qu'il n'y ait des copies tra- duites de ces documents, mais aucune de ces copies ne devra être gardée dans les archives du conseil légis- latif ou de l'assemblée législative ni ne devra être con- sidérée comme aj-^ant l'autorité d'un texte original (1)." (1) — Houston, Constitutional Documents oj Canada, p. 162; 3 et 4 Victoria, ch. 35, art. xli. COURS d'histoire du canada 301 Cet article à lui seul donnait au bill sa véritable physionomie. II constituait un outrage odieux au sen- timent national des Canadiens français. Il dénonçait l'inspiration et l'objectif réel du projet, qui consistait à exécuter la recommandation fondamentale de lord Durham: angliciser les Canadiens. C'était la première fois que le parlement britannique attentait au droit de notre langue. Jamais jusqu'ici il n'avait légiféré pour lui enlever sa possession d'état. L'introduction de cet article dans le bill d'union indiquait combien notre situation nationale était menacée, à la suite des événements tragiques de 1837 et de 1838. Le débat qui eut lieu sur ce projet de loi dans le parlement britannique, aux mois de mai, de juin et de juillet 1840, pouvait rappeler en beaucoup de traits celui qui avait eu lieu au sujet de nos affaires bas-cana- diennes en 1836. Quoiqu'un bon nombre d'opinions individuelles fussent exprimées à Tencontre du bill, les deux grands partis alors en lutte dans la politique anglaise s'unirent pour l'appuyer. Dans la chambre des communes lord John Russell, lord Howick, M. Charles BuIIer, M. Gladstone, sir Robert Peel, M. Ellice parlèrent en faveur du projet, MM. Pakington, Colquhoun, O'Connell, sir George Sinclair, sir Robert Inglis, le combattirent. Un des discours les plus éner- giques contre la mesure fut celui d'O'Conneli. Le grand agitateur protesta contre l'inégalité de représentation, en vertu de laquelle la partie la plus populeuse était moins représentée que la partie la moins populeuse, et contre le procédé arbitraire au moyen duquel on faisait peser sur une province la dette contractée par une autre. "Mais ce qu'il y a de plus odieux, s'écria-t-il, c'est que l'on fait tout cela sans consulter le peuple. On pourrait dire que la législature du Haut-Canada 302 COURS d'histoire du canada a donné son consentement, et il y a eu peut-être là un semblant d'approbation populaire... Mais pour le Bas-Canada il n'y a eu nul assentiment, et la mesure a été annoncée en un moment où il n'y avait aucune assemblée représentant le peuple. On doit déplorer la folie et la perversité des Bas-Canadiens qui, lors- qu'ils possédaient une législature, ont eu recours aux armes, se sont rendus coupables de trahison envers la couronne et de trahison envers leur pays par une in- surrection ouverte. Le parti de la rébellion a mérité le plus sévère châtiment, mais le peuple n'est pas tout entier coupable, et il a été déjà suffisamment puni par ce qu'il a enduré jusqu'à présent. Le rapport de lord Durham, après avoir reconnu aux Canadiens toutes les vertus possibles, après les avoir représentés comme une race paisible et bienveillante, a émis l'avis qu'ils devaient être submergés par le peuple du Haut-Canada, et annihilés comme nationalité. Ils n'ont pas été con- sultés sur la proposition du gouvernement... Il ne saurait en résulter que de la désaffection et un affai- blissement des liens qui unissent les deux pays". Lord John Russell s'efforça de repousser les criti- ques d'O'Connell. "Ma réponse quant à l'inégalité de représentation, dit-il, c'est que nous nous appuyons sur le principe habituellement suivi en Amérique, qui ne considère pas tant l'état exact de la population au moment où une constitution prend naissance, que celui où elle parviendra après quelques années. Autre- ment, dans un pays possédant un vaste territoire où devront affluer de nombreux habitants, si Ton adoptait une autre base, on commettrait précisément l'injustice que l'on voudrait éviter. Au sujet de la dette, elle n'a COURS d'histoire du canada 303 pas été encourue par le Haut-Canada pour des dépen- ses futiles ou inutiles, ou pour des objets exclusive- ment avantageux à la province supérieure; mais elle l'a été pour des travaux publics qui, si on les continue de manière à ouvrir une communication avec le Saint- Laurent, ne pourront pas être considérés comme étant utiles seulement au Haut-Canada ou au Bas-Canada, mais devront être reconnus comme utiles aux deux provinces unies." En terminant lord John Russell se déclara convaincu que la mesure proposée produi- rait "un esprit d'harmonie et de civilisation entre les habitants des deux provinces (1)." Nous ne pouvons analyser tout ce débat. Nous tenons pourtant à signaler dans le discours de M. Glad- stone un passage où cet homme public, destiné à une si magnifique carrière, s'élevait énergiquement contre la pratique du gouvernement responsable dans la colo- nie. L'avenir devait démontrer que, dans ce cas com- me dans beaucoup d'autres, cet homme d'Etat si mer- veilleusement doué comptait la versatilité parmi les traits saillants de son tempérament politique. Le vote sur la troisième lecture, par lequel laCham- bre des communes disposa finalement du bill, la mon- tra presque unanime en sa faveur. Il fut de 156 con- tre 6 (2). AL Hume lui-même, le champion du parti canadien, déclara qu'il ne voulait pas enregistrer sa voix contre cette législation. (1) — Hajisard's Parliamentary Debates, 3rd séries, t. 54, pp. 750, 7ôl. (2) — Haiisard's Parliamentary Debates, 3e série, t. 54, p. 1154, Pour l'étude de ces débats sur le bill d'union, il faut consulter les volumes 52, 53, 54 et 55 de cette collection. 304 COURS d'histoire du canada Dans la chambre des lords, le débat fut moins long, mais, chose assez singulière, l'opposition au pro- jet fut peut-être plus accentuée que dans la chambre des communes. Lord Melbourne, le premier minis- tre, présenta et soutint la mesure, et dans la discussion il n'eut guère d'autre concours que celui de lord Lans- downe. D'autre part, lord Wellington, lord Gosford, lord Ellenborough, lord Brougham, lord Hardwicke, dénoncèrent vivement le projet de loi. Lord Welling- ton l'attaqua à plusieurs reprises et avec force, et il finit par enregistrer un protêt composé de vingt-sept chefs ou objections, où il était déclaré entre autres choses que l'union n'était pas nécessaire, qu'elle ne ferait qu'augmenter les difficultés, et qu'elle était re- poussée par la généralité de la population canadienne- française. Lord Ellenborough produisit lui aussi un protêt. Lord Gosford, qui devait avoir dans la matière une autorité spéciale, prononça un discours complète- ment hostile au projet et prit généreusement la défense des Canadiens. "Vous croyez peut-être, dit-il à ses collègues, que les Canadiens français sont dans un état de résistance organisée contre la connexion britan- nique. Cette opinion est absolument fausse. .Je ne crois pas que, dans aucune de nos colonies. Sa Majesté ait des sujets plus loyaux que les Canadiens français du Bas-Canada. Si l'on pouvait considérer le petit nombre de ceux qui ont été égarés comme représentant toute la population, on pourrait soutenir cette accusa- tion. Mais je suis en position d'affirmer, de science personnelle, que la masse des Canadiens était dispo- sée à maintenir la connexion avec l'Angleterre. Un seul district sur la rivière Richelieu a été influencé par les mécontents... Qui pourrait dire que la mesure sou- mise à la chambre est juste? Elle donne à une popu- COURS d'histoire du canada 305 iation de 200,000 ou 300,000 âmes la nie me représen- tation qu'à une population de 700,000 ou 800,000. Kn outre elle jette la dette de la province supérieure sur les épaules de la province inférieure qui n'en a pas. Pouvait-il y avoir rien de plus arbitraire et de plus ini- que (l)." Ces nobles paroles de lord Gosford jettent une vive lumière rétrospective sur son attitude et ses dispositions lorsqu'il était gouverneur du Canada. Elles démontrent la sincérité et la droiture d'intention dont il était animé alors. Et elles prouvent combien M. Papineau et ses lieutenants avaient eu tort de sus- pecter ses motifs et de rejeter ses avances. Si l'on avait tenu compte de sa bonne volonté et correspon- du à ses démarches conciliantes, on eût fait faire paisi- blement un grand pas à notre cause et obtenu de pré- cieux avantages, tout en évitant les malheurs et les épreuves sanglantes que nous avions subies. Au lieu d'aider lord Gosford dans sa tâche, de coopérer à l'œu- vre de réforme qu'il avait entreprise, on l'avait dénon- cé et abreuvé d'outrages comme s'il eût été notre pire ennemi. Vous vous rappelez la diatribe de M. Papi- neau à l'assemblée de Saint-Laurent: "Si vous avez eu raison de haïr une fois Dalhousie et Aylmer, vous avez trois fois raison de haïr Gosford... Chaque journée du séjour prolongé de cet homme dans le pays est une insulte et un cruel fléau dont nous ne pouvons deman- der notre délivrance avec trop d'ardeur." Rappro- chez ces paroles du discours prononcé pour notre dé- fense par notre ancien gouverneur dans la chambre des lords en 1840. Cette mise en regard démontre à l'évidence combien le grand tribun manquait de pon- (1) — Hansard's Parliamentary Dehates, 3e série, t. 55, 246. 306 COURS d'histoire du canada dération, de clairvoyance et d'équité, dans l'apprécia- tion des événements et des hommes. Malgré le discours de lord Gosford, malgré ceux de Wellington, de Brougham et de lord Ellenborough, la chambre des lords donna une majorité presque aussi écrasante que la chambre des communes en faveur du bill d'union. Le vote fut de 107 contre 10 (l). Le siè- ge du parlement britannique était fait. Les pétitions contre le bilI, celles des 40,000 Canadiens recueillis par les soins d'un comité québecquois dont M. John Neil- son était l'un des membres les plus notables (2), celle des évêques et du clergé des diocèses de Québec et de Montréal, tout cela fut inutile. Le gouvernement et le parlement du Royaume -Uni, fatigués de la ques- tion canadienne, et imbus de l'idée que notre province était ingouvernable avec une législature séparée, avaient accepté la notion que l'union du Haut et du Bas-Canada était, sinon la meilleure, du moins la seule solution possible de nos difficultés. Il semble, en outre, que des influences puissantes s'exerçaient en fa- veur de cette mesure. Comme nous l'avons vu, les fi- nances du Haut-Canada étaient dans une situation désespérée. Avec un déficit de 75,000 louis, elle n'é- tait même pas en état de payer les intérêts sur sa dette. Or ses obligations étaient presque en totalité détenues par la fameuse maison de banque Baring. Et l'un des principaux associés de cette institution financière, le très honorable F.-T. Baring, était membre du cabinet Melbourne, où il occupait le poste important de chan- (1) — Hansard's Parliamentary Debates, 3*^ séries, t. 55, p. 522. (2) — Cette pétition était le résultat d'une assemblée tenue à Québec le 24 janvier 1840. couKS d'histoire du canada 307 celier de l'échiquier. II est naturel de penser que la sécurité de la dette due au banquier, n'était pas étran- gère à la détermination tenace manifestée par les col- lègues du ministre. Le bill d'union fut adopté le 23 juillet 1840. En vertu d'une disposition spéciale il devait entrer en vi- gueur le 10 février suivant. Dans l'intervalle M. Pou- lett Thomson, qui était devenu lord Sydenham, con- voqua une sixième et dernière session du Conseil spé- cial. Elle s'ouvrit le 5 novembre 1840 et se termina le 9 février 1841. Le gouverneur tenait à faire adopter, avant l'inauguration du nouveau régime, deux ordon- nances qu'il considérait d'importance capitale pour le Bas-Canada. C'étaient l'ordonnance relative à l'é- tablissement des bureaux d'enregistrement dans toute la province, dont l'utilité était incontestable, et l'ordon- nance concernant la création des conseils de district, ou conseils municipaux. Les dispositions de cette der- nière étaient très défectueuses, en ce qu'elles donnaient au gouvernement des pouvoirs exorbitants (1). M. Thomson avait fait insérer dans le projet du bill d'u- nion toute une série d'articles relatifs à cette organi- sation. Mais, en présence de certaines observations défavorables, le gouvernement impérial les avait retran- chés du bill.' L'ordonnance des conseils de districts fut remplacée ultérieurement par l'acte de 1845, qui établit le véritable régime municipal. L'œuvre du Conseil spécial était terminée. La constitution de 1791 avait vécu. Le 10 février 1841, une proclamation de lord Sydenham annonçait que l'union des deux Canadas était un fait accompli. "Ha- bitants de la province du Canada, s'écriait-il, puissiez- (1) — Ordonnance 4 Victoria, ch. 50, t. VI, p. 5. 308 COURS d'histoire du canada vous dorénavant être unis de sentiments comme de ce jour, vous l'êtes de nom! Qui pourrait visiter, comme j'ai eu la bonne fortune de le faire, les régions étendues qui sont maintenant réunies sous une dénomination commune, et ne pas reconnaître les immenses ressour- ces qu'elles présentent pour tout ce qui peut contribuer au bien-être et au bonheur de l'homme? Faisant par- tie du puissant empire de l'Angleterre, protégés par ses armes, aidés de ses trésors, admis à tous les béné- fices du commerce, comme ses citoyens, la liberté vous est garantie par ses lois, et vos droits soutenus par la sympathie de ses habitants, vos co-sujets. Aucun pays au monde ne jouit d'une meilleure position que celle du Canada (1)." Ces paroles avaient une assez noble allure; malheureusement elles étaient le corol- laire d'un acte entaché de partialité et d'injustice. Une autre voix allait saluer, avec un accent bien différent, notre entrée dans l'Union, et flétrir ce jour d'une appel- lation vengeresse. "C'est le jour des banquiers", allait s'écrier un jeune poète canadien, dans une pièce aux vers inexpérimentés mais frémissante d'indignation patriotique. C'est le jour des banquiers, demain sera notre heure. Aujourd'hui l'oppression, demain la liberté; Aujourd'hui l'on fustige un peuple entier qui pleure, Demain l'on voit debout tout un peuple ameuté; Aujourd'hui le forfait, et demain la vengeance, Aujourd'hui c'est de l'or, et demain c'est du fer... C'est le jour des banquiers, vous dis-je! c'est leur gloire Que les placards royaux affichent sur nos murs; L'Union que l'on proclame est leur chant de victoire, Et tout devait céder à des motifs si purs!... (1) — Kingsford, History oj Canada, t. X, p 534; Memoir oj lord Sydenham, pp. 212-213. COURS d'histoire du canada 309 Ces vieux lords décrépits, ces ministres peureux... Cependant, si Baring leur dit: moi je le veux. Enlacés comme ils sont aux fdets de sa banque. Ils n'ont rien à répondre et jamais il ne fait D'inutile calcul, ni de projet qui manque. Il voudrait l'univers, il leur demanderait Le sang des nations pour verser dans sa caisse, Que l'illustre Russell d'une tremblante main. Jaloux de prévenir et d'écarter la baisse Signerait aussitôt l'absurde parchemin... L'auteur de ces vers avait vingt ans. II s'appe- lait Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, et, quelques an- nées plus tard, on allait le voir figurer dans la phalange des hommes politiques de notre race qui allaient dé- mentir les pronostics de lord Durham et faire échouer la réalisation de ses desseins hostiles. Mesdames et Messieurs, nous voici au seuil d'une ère nouvelle, d'un régime nouveau. Nous allons nous y arrêter. Depuis quatre ans, nous avons parcouru ensemble une longue route, une route souvent ardue, à travers les viscissitudes de notre histoire. Au lende- main du grand effondrement de 1760, nous avons vu naître et s'organiser la domination britannique. Nous avons partagé les angoisses de nos pères en présence du danger qui menaçait leur culte, leurs institutions et leurs lois. Avec une sympathie ardente, nous avons assisté à leurs efforts, durant une période d'incertitude douloureuse, pour sauvegarder leur liberté religieuse et préserver leur vieux droit coutumier. Après qua- torze ans, la première étape était franchie. L'Acte de 1774 posait la pierre angulaire sur laquelle allaient s'é- tayer peu à peu nos franchises. L'émancipation des catholiques canadiens précédait de cinquante-cinq ans celle des catholiques anglais. L'ostracisme confession- nel s'écroulait et la capacité politique surgissait de ses 310 COURS d'histoire du canada ruines. Cependant un péril nouveau mettait en ques- tion tout notre avenir. Et cette fois il ne pouvait être conjuré que par une détermination de notre libre choix. En 1775 une question nous était posée. Irions- nous nous livrer lamentablement à l'assimilation amé- ricaine? Ou bien, en restant fidèles à notre nouvelle allégeance, continuerions-nous à demeurer dans l'iso- lement sauveur qui garderait intacte notre puissance de survie et maintiendrait l'intégrité de nos traditions? Grâces en soient rendues à Mgr Briand et à nos classes dirigeantes! notre réponse fut celle que nous dictaient à la fois nos convictions religieuses et nos aspirations patriotiques. Mais une plus vaste carrière allait s'ouvrir devant nos pas. Nous avions préservé du naufrage nos liber- tés confessionnelles et les lois qui conditionnaient notre état social. Une légitime ambition allait activer notre effort pour une participation plus effective au gouver- nement de notre pays. La constitution de 1791 vint nous proclamer électeurs et éligibles, et nous octroyer un puissant instrument d'action. Rapidement nous apprîmes à le manier. Des tentatives malheureuses, en nous en contestant l'usage, ne réussirent qu'à nous en mieux révéler les ressources. L'intermède héroïque de 1812 nous fournit l'occasion d'affirmer la valeur de notre allégeance et de notre concours. Et le nom de Chateauguay resta pour nous, en même temps qu'un souvenir de gloire, un argument national. Puis s'ou- vrit une longue période de luttes constitutionnelles et politiques, durant laquelle, à travers bien des crises, nos représentants réussirent à faire triompher pacifique- ment plusieurs de nos réclamations. L'indépendance des juges et leur exclusion de la politique, l'échec d'un premier bill d'union, en 1822, l'accession en proportion COURS d'histoire du canada 311 plus équitable de nos compatriotes à la magistrature et aux fonctions administratives, l'abandon de ce que l'on appelait les revenus de la couronne au contrôle parlementaire, la réduction de la liste civile, la meilleu- re composition du conseil législatif et du conseil exé- cutif, marquèrent les étapes de notre marche progres- sive vers une pratique plus large du régime constitu- tionnel. A deux reprises, en 1828 et en 1836, l'atten- tion du parlement impérial fut appelée par des en- quêtes sur nos difficultés politiques. Malheureuse- ment la lutte prolongée entre la majorité canadienne qui réclamait et les autorités coloniales qui refusaient certaines réformes engendrait un état d'esprit périlleux. Néanmoins de crise en crise, nous nous acheminions vers la réalité du gouvernement représentatif. Nous pouvions entrevoir de loin la responsabilité ministé- rielle comme l'aboutissement normal de nos combats parlementaires. Mais les antipathies nationales com- pliquaient gravement notre problème. L'impatience, l'irritation, l'exaspération, vinrent troubler nos con- seils et fausser nos tactiques. L'outrance nous préci- pita dans une erreur d'attitude dont se prévalurent nos adversaires. Et les événements douloureux de 1837 et de 1838 infligèrent à notre cause un désastreux recul, en même temps qu'ils nous plongeaient dans un abîme de sang et de larmes. Au lendemain de nos malheurs, en 1841, nous en- trions comme des vaincus dans le nouveau régime qui nous était imposé. Tout semblait calculé pour nous interdire l'espérance. Et cependant, malgré les som- bres nuages qui obscurcissaient notre horizon, des re- gards {pénétrants auraient pu discerner déjà quelques rayons consolateurs. Ce qu'il y avait de rationnel, de légitime, de profondément juste, dans la cause pour 21 312 COURS d'histoire du canada laquelle nous avions lutté, n'avait point péri dans la tourmente. Parmi ceux-là même qu'on nous unissait pour nous asservir, allaient surgir des hommes épris du même idéal de justice et de liberté. Dans nos rangs, la leçon des événements allait manifester ses fruits de sagesse et de prévision. Des alliances fécondes, de loyales ententes, viendraient réfuter le pessimisme calomnieux de lord Durham. Et, sous l'action de cette collaboration généreuse, on verrait enfin triompher ce principe tutélaire d'autonomie, ce gouvernement des Canadiens par eux-mêmes vers lequel nous avions in- cessamment tendu, depuis la lointaine période étudiée par nous ensemble au début de ce cours, depuis les jours de Carleton et de Murray. Non, la constitution de 1841 ne serait pas le tombeau de nos libertés, mais, grâce à une évolution providentielle, elle allait devenir le berceau de notre puissance politique. couKS d'histoire du canada 313 SOURCES ET OUVRAGES A CONSULTER Garne;iu, Histoire du Canada, cinquième t'ditif)n, Paris, 1920, t. II, livre XVI, ch. m. — Christie, History oj ibe late province oj Loiver Canada, Québec, 1855, t. V, ch. xlvi. — Kingsford, History of Canada, t. X, liv. XXXVI, ch. vu. — Spencer VValpoIe, History of England Jrom tbe conclusion oj tbe great war, 1815, Londres, Longmans, Grecn and Co, 1890, t. IV, ch. XV. — Memoir oj tbe Lije oj tbe rigbt bonoura- hle Charles lord Sydenbam, edited by his brother, G. Pou- lett Scrope, Londres, 1843.— /îepor/ and Dispatcbes oj lord Durbam, Ridgvvays, Londres, 1839. — Lord Durbam's Re- port on tbe affairs oj Britisb Nortb America, édité, par sir C. P. Lucas, Oxford, 1912.— Eng/ùè Blue Books, tt. 7, 9,13.— Gérin-Lajoie, Dix aiis au Canada, Québec, L.-J. Demers, 1891 — Houston, Constitutional docuryierits oj Canada, Toron- to,Carswell et Co, 1891. — W. P. M. Kennedy, Documents oj tbe Canadian Constitution, Toronto, Oxford university Press, 1818. — Egerton and Grant, Canadian Constitutional Deve- lopment, Toronto, 1907. — Statutes oj tbe United Kingdom, 1 et 2 Victoria, 2 Victoria, 3 et 4 Victoria. — Journal du Con- seil spécial, 1838, 1839, 1840. — Ordonnances du Conseil spé- cial, 1838, 1839, 1840.— Archives du Canada: Papiers d'E- tat du Bas-Canada, Q. 256-A, 256-B, 257, 258, 259-1-2, 260-1- 2, 261, 262, 268-1, 269-2. 269-C., 270-1-3, 271-1-2. 272-1-2 277-1-3. TABLE DEH MATIERES Pages Avant-Propos vii CHAPITRE I La situation politique au printemps de 1832. — ^Optimis- mede lord Aylmer. — Un incident désastreux. — L'élection de Montréal. — 'M. Daniel Tracey. — Ses démêlés avec le Conseil législatif. — L'épisode Tracey-Duvernay. — M. Tracey candidat. — 'Une lutte mouvementée. — Vingt- deux jours de poil. — 'Un conflit sanglant. — Trois vic- times.— Agitation intense. — Mise en accusation de deux officiers britanniques. — M. Papineau et lord Aylmer. — Acte imprudent du gouverneur. — Il consomme la rup- ture. La session de 1832-33. — -M. Mondelet conseiller exécutif. — Son siège déclaré vacant. — M. Neilson et son refus. La question du Conseil législatif électif. — MM. Papineau et Neilson. — Mésentente malheureuse. — La question des subsides. — Nouvelles divergences. — Lord Stanley succède à lord Goderich. — -La session de 1834. — Escarmouches préliminaires. — Les dépêches de lord Stanley. — "L'état de la province." — Les quatre-vingt- douze résolutions. — -Leur analyse. — Une appréciation de M. Chauveau. — Les débats. — Harangue enflammée de M. Papineau. — Le tribun et l'Acte de Québec. — Une erreur de jugement. — L'attitude de M. Neilson. — MM. Stuart, Gugy, Quesnel. — Les résolutions de M. Neilson. — Le vote — Le discours de prorogation du gouver- neur.— Une vérité et une illusion. — -L'agitation populaire. — Les élections de 1834. — Le triomphe des "quatre- vingt-douze" 316 TABLE DES MATIERES i Pages CHAPITRE II Les "quatre-vingt-douze" au parlement britannique. — Un discours de M. Roebuck. — La réponse de M. Stanley. — Un comité d'information. — Son rapport anodin. — Le statut 1 et 2 Guillaume IV, chapitre 23. — La décep- tion de lord Goderich. — Donner sans recevoir. — Un projet d'abrogation. — Le ministère britannique. — M. Spring Rice succède à M. Stanley, — Le comité central et permanent de Montréal. — ^Des griefs additionnels. — La "British American Land Company". — La nomi- nation du juge Gale. — La session de 1835. — M. Papi- neau réélu triomphalement comme orateur. — Un coup d'oeil sur la politique anglaise. — Lord Aylmer et la si- tuation.— La Chambre le dénonce. — Le gouverneur re- fuse d'émettre un mandat d'argent. — L'Assemblée se déclare incapable de poursuivre ses travaux. — Imbro- glio parlementaire. — Lord Aylmer est rappelé. — Le ministère envoie un nouveau gouverneur et une com- mission royale. — Lord Gosford. — Essais de conciliation. — La session de 1835-36. — Le discours du trône de lord Gosford. — La réponse de la Chambre. — Apprécia- tions intéressantes. — ■ Les lettres de M. Frédéric EI- liott. — Un moment d'apaisement. — La possibilité d'u- ne trêve. — ^Brises parlementaires. — Malencontreuse in- discrétion.— 'Les instructions des commissaires. — Irri- tation de la majorité. — -M. EIzéar Bédard nommé juge. — Les subsides. — Vif débat. — Pas de conciliation. — Perspective peu encourageante 41 CHAPITRE III Lord Glenelgetla crise bas-canadienne. — Une illusion. — Nouveau recours à la persuasion. — La session d'autom- ne de 1836. — Un appel de lord Gosford. — Sa sincérité. — II est dénoncé par les bureaucrates. — Tbe Anti-Gallic Letters. — La réponse de la Chambre. — Pas de malenten- du.— Pas de compromis. — Production de documents. — Un article du Canadien. — Projet de loi pour rendre TABLE DES MATIERES 317 Pages le Conseil électif. — Une adresse de la Chambre. — Annonce de la grève parlementaire. — Le rapport de la Commis- sion royale. — Conclusions et recommandations. — Un exa- men de la situation. — La nature du conflit. — Nos griefs légitimes. — L'état colonial. — Colonies et métropoles. Les deux tendances contradictoires. — L'esprit du bu- reau colonial sous lord Bathurst. — Un changement sous lord Goderich. — Fluctuations. — On commence h redresser nos griefs. — Démissions de fonctionnaires. — Modifications dans le personnel des conseils. — M. Morin et la commission des terres. — Attitude moins intransigeante du Conseil législatif. — Le banc judiciaire. — Disproportions choquantes. — Etroitesse d'esprit. — Une incartade du juge Bowen. — Nominations de juges cana- diens.— La majorité n'entend pas désarmer devant les réformes de détail. — Les réclamations fondamentales. — Le contrôle du budget. — • La responsabilité du Conseil exécutif. — L'élection du Conseil législatif. — Ce qui était possible et ce qui ne l'était pas. — La tactique à suivre. — Manque de pondération. — L'échec de la po- litique conciliante. — La coercition. — Les résolutions fameuses de lord John Russell. — Violation d'un prin- cipe constitutionnel. — Discours de lord Russell. — Le débat aux communes. — -M. Gladstone. — Ce qui eût été préférable. — -La quasi-unanimité du Parlement britan- nique contre notre attitude. — Le péril de la situation.. . 91 CHAPITRE IV L'effetdes résolutions Russell. — Indignation et agita- tion.— Un nouveau plan de campagne. — Non consomma- tion et contrebande. — 'L'assemblée de Saint-Ours. — Réso- lutions anticoercitives. — Un cri d'alarme. — M. Etienne Parent. — L'assemblée de Saint-Laurent. — Important discours de M. Papineau. — Ses diatribes contre lord Gosford. — Ses illusions. — Ce qu'il fallait penser des sympathies anglaises et américaines. — L'état d'esprit de M. Papineau. — Défaut de clairvoyance. — A Sainte- 318 TABLE DES MATIERES Pages Scholastique. — Dans le district de Québec. — De sages conseils. — Contre-mouvement. — L'agitation et le clergé. — Une allocution de Mgr Lartigue. — Lord Gosford et les assemblées séditieuses. — Démissions d'officiers pu- blics.— Une lettre hautaine de M. Papineau. — La mort du roi. — Avènement de la reine Victoria. — 'Loyalisme douteux. — Suspension des mesures coercitives. — Une nouvelle session. — Costumes des députés. — L'indigé- nisme du vêtement. — Un mot d'ordre de M. Papineau. Accoutrements pittoresques. — Le discours du trône. — L'adresse. — Paroles menaçantes. — La grève parlemen- taire maintenue. — Prorogation. — Dernière session de la législature bas-canadienne. — Lord Gosford perd son optimisme — Une opinion de Garneau — Les " fils de la liberté." — L'assemblée des six comtés à Saint-Charles. — L'attitude de M. Papineau. — Le point culminant de l'agitation. — Un mandement de Mgr Lartigue. — Paroles injurieuses de la Minerve. — A Québec. — M. le curé Baillargeon. — Polémique anticléricale. — Diffusion des Paroles d'un croyant. — L'attitude de M. Etienne Parent. — Une courageuse campagne. — M. Augustin-Norbert Morin — L'anarchie. — Un système d'intimidation. — Col- lision sanglante à Montréal. — Aurore de guerre civile.. 133 CHAPITRE V Optimisme décroissant. — Lord Gosford s'alarme. — II se résout aux mesures de rigueur. — Sir John Colborne et le gouverneur. — Mandats d'arrestation contre M. Papi- neau et plusieurs autres. — Fuite du leader patriote. — L'escarmouche de Longueuil. — Prisonniers délivrés par la force des armes. — L'insurrection. — Plan d'opérations militaires. — Le combat de Saint-Denis. — Le meurtre du lieutenant Weir. — M. Papineau et le docteur Nel- son.— Un épisode controversé. — Blanc et noir. — Le combat de Saint-Charles. — La défaite des patriotes. — M. Papineau échappe aux soldats anglais. — Le combat de Moore's Corner. — L'expédition de Saint-Eustache. — TABLE DES MATIERES ^i 1 0 Pages Saint-Benoît. — Répression cruelle. — La torche incen- diaire.— Lord Gosford demande son rappel. — Une pro- clamation pacifique. — Primes offertes aux arrestations. — Départ de Lord Gosford. — Sir John Colborne admi- nistrateur.— Suspension de la constitution. — Un projet de loi de lord John Russell. — Débats dans le parlement britannique. — Création d'un Conseil spécial. — 'Ses pou- voirs.— Sa composition. — Ordonnances adoptées. — Un mandement de Mgr. Lartigue. — ^Les prisonniers. — Qu'en ferait-on? — Question réservée à lord Durham. — Cet homme d'Etat est nommé gouverneur général. — L'étu- de de son administration remise à une autre leçon. — Sir John Colborne de nouveau administrateur. — 'La seconde insurrection. — Les événements de 1838. — 'Robert Nelson et son manifeste. — Le coup de main de Beauharnois. — Capture du vapeur Henry Brougbam. — L'échauffourée de Caughnawaga. — Les combats de Lacolle et d'Odel- town. — L'insurrection écrasée. — Horrible dévastation. — Répression implacable. — • L'échafaud politique. — Douze exécutions. — Faute du gouvernement. — Le rôle de sir John Colborne. — 'La suspension de VHabeas Corpus. — Attitude des juges Panet, Bédard et Vallières. — Ils , i sont suspendus par sir John Colborne. — Question com- \ plexe. — ^Jugements sur les événements de 1837 et de 1838. Ij^B CHAPITRE VI Lord Durham et son rapport. — Le premier Conseil spé- cial et sir John Colborne. — Lord Durham gouverneur et haut commissaire. — Ses origines et les débuts de sa car- rière.— Ses mariages. — Son entrée dans la vie politique. — Ses missions diplomatiques. — Son élévation à la pai- rie.— Son libéralisme teinté de radicalisme. — Son rôle actif dans la réforme de 1832. — Son tempérament iras- cible.— Ses scènes avec son beau-père, lord Grey. — Son choix pour le gouvernement du Canada. — Appréciations. — Le personnel dont il s'entoure. — Nominations regret- tables.— Arrivée de lord Durham à Québec. — Sa pre- 320 TABLE DES MATIERES X Pages mière proclamation. — II fait table rase. — Un nouveau Conseil exécutif et un nouveau Conseil spécial. — Lord Durham est bien accueilli. — Une poésie de François- Xavier Garneau. — Réceptions au château. — Le problè- me à résoudre. — Que faire des prisonniers? — Politique de clémence. — Une erreur dans l'exécution. — L'ordon- nance du 28 juin 1838. — ^Amnistie générale. — Huit dé- tenus exilés aux Bermudes. — Dispositions illégales. — L'ordonnance approuvée ici est critiquée en Angle- terre.— Lord Brougham. — Un désaveu. — Duplicité mi- nistérielle.— Lady Durham. — Le gouverneur proteste et démissionne. — ^Une délégation des provinces mariti- mes.— Lord Durham retourne en Angleterre. — La pu- blication de son rapport. — Qualités et défauts de cette pièce. Ses deux points saillants: l'octroi du gouverne- ment responsable et l'anglicisation du Bas-Canada. — Les erreurs de lord Durham. — Sa fin prématurée. — ^Une appréciation de M. Guizot. 235 CHAPITRE VII Le Conseil spécial. — Régime provisoire. — Pouvoirs et juridiction limités. — Composition du Conseil. — Première session en 1838. — Vingt-six ordonnances. — Suspension de VHabeas corpus. — L'intermède Durham. — Un nou- veau Conseil. — Deuxième session en 1838. — La fameuse ordonnance de déportation. — Six ordonnances. — Col- borne succède à Durham. — Reconstitution du Conseil. — Troisième session en 1838. — Quinze ordonnances. — Nouvelle suspension de VHabeas corpus. — Quatrième session (février-avril 1839). — Soixante-sept ordonnan- ces.— Mesures importantes. — Voirie, érection de pa- roisses, construction d'églises et de presbytères. — L'or- donnance concernant les biens de Saint-Sulpice. — Brève revue de la question. — Solution équitable. — Au parle- ment britannique. — Un projet de loi pour l'union du Haut et du Bas-Canada. — Ses dispositions. — Le débat qu'il provoque. — Projet ajourné. — Prolongation du pro- TABLE DES MATIERES 321 Pages visoire. — M. Poulett Thomson nommé gouverneur. — Ses antécédents et son caractère. — Les instructions de lord John Russell. — Faire accepter l'union. — M. Thom- son à l'œuvre. — Cinquième session du Conseil spécial (novembre 1839). — L'union approuvée par ce corps peu représentatif. — Dans le Haut-Canada. — M. Thomson à Toronto. — Adresse intolérante du conseil municipal. — Mentalité égoïste et fanatique de l'Assemblée législati- ve.— Procédés d'étranglement. — M. Thomson disci- pline les extrémistes. — Ses manœuvres sont couronnées de succès. — L'union approuvée par la législature haut- canadienne. — La question du gouvernement responsa- ble écartée. — Derniers travaux du Conseil spécial du Bas-Canada. — Le bill d'union de 1840. — Son analyse. — Egalité de représentation. — La langue anglaise seule officielle. — Une liste civile permanente. — La dette haut- canadienne imputable aux provinces unies. — La ques- tion de représentation. — Disproportion choquante en 1840. — L'opinion de lord Durham. — Son hostilité clair- voyante.— Injustice actuelle et sauvegarde future. — La dette consolidée. — Le Bas-Canada indûment surchar- gé.— Etat désastreux des finances haut-canadiennes. — La langue française. — Un outrage à notre sentiment national. — Le débat sur le bill d'union. — ^Lord John Russell. — Protestations d'O'Connell. — Discours sympa- thique de lord Gosford. — Un rapprochement opportun. — L'union décrétée par le parlement britannique. — L'in- fluence de M. Baring. — M. Thomson devient lord Sy- denham. — II proclame l'union. — Une protestation poé- tique.— Coup d'œil rétrospectif. 275 TABLE DES NOMS DE PERSONNES Aberdeen, (lord) 50, 52, 55, 115. Allaire (l'abbé), 199, 204, 229, 234. Amherst (lord), 55. Amiot, 36. Amiot (Pierre), 206. Anderson, 36. Anderson (Canon), 224. Archambault, 36. Arthur (sir George), 285, 299. Aubin, 252, 256. B Baillargeon (Mgr), 133, 173, 174. Bagg (Stanley), 4, 5, 6. Baker, 36. Baldwin (Robert), 122, 262. Bardy (le docteur), 38. Baring (E.-T.), 276, 306. Bathurst (lord), 91, 108. Baxter (James), 111. Beaujeu (Saveuse de), 111. Beauchemin, 40. BÉDARD (EIzéar), 15, 16, 17, 18,30,36,41,50,72,74,75, 76, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 115, 193, 225. BÉDARD (Pierre), 117 Bellefeuille (E.-L. de), 189. Bentinck (lord George), 239. » Bernard (P.), 152, 232, 234. Berthelet, 36. Berthelvt, 75, 76, 99, 324 table des noms de personnes Bertrand, 36, 89. Besserer, 36. BiBAUD (Michel), 9, 10, 30, 39, 40, 44, 62, 74, 75, 76, 79, 81, 85, 87, 89, 118, 132, 164, 192, 227, 234. BlDWELL, 78. Billet, 67. Blackburn, 101. Blanchard, 36. Bleury (Sabrevoisde), 14,30,36, 85, 87, 96, 132, 164, 165. Boissonnault, 36. Boucher-Belleville, 136, 168. BoucHERviLLE (Georges de), 196. Bouchette (R.-S.-IM.), 173, 203, 248, 249. bouffard, 36. BouRDAGES (Louis), 2, 3, 8, 10, 12, 13, 15, 17, 30, 34, 36. Bourget (Mgr), 151. BouvERiE (Edward Plevdell), 244. Bowen (le iuge), 74, 91, 114, 115, 132. BovvLES (le colonel), 225. BowMAN, 50, 99. Bradshaw (F.), 273. Brougham (lord), 131, 208, 209, 235, 238,253,255,258, 304, 306. Brown (Thomas Storrow), 168, 196, 197, 206, 250. BuLLER (Arthur), 244. BuLLER (Charles), 242, 244, 246, 247, 255, 271, 301. BusHER (Gervais Parker), 244. Caldwell (le receveur général), 2, 4, 36. Cannlng (George), 237. Campbell (sir Cohn), 195. Cartwright, 293. Cardinal, 221, 222, 223. Caron (R.-E.), 36, 75, 85, 88, 164. Carrier (L.-N.), 192, 200, 234. Cartier (George-Etienne), 250. Casgrain, (C.-E), 36, 209, 278, 287. Castlereagh (lord), 237. Cazeau, 36, 186. TABLE DES NOMS DE PERSONNES 325 Chaffers, 187. Chartier (l'abbé Etienne), 250. Chartrand, 227. Chauveau (P.-J.-O.), 18, 24, 26, 40, 75,87,89,269, 309. Chau\'in, (), 7. Chénier (le docteur), 203, 206. Cherrier (Séraphin), 136. Cherrier, 160. Cheval (Josepli), 189. Cheval (Eustache), 189. Child, 36. Chisholme (D.), 109. Cholmondeley (lord), 237. Christie (Robert), 6, 40, 58, 59, 78, 87, 89, 94, 102, 114, 115, 132, 134, 188, 192, 196, 199, 200, 201, 203, 204, 213, 214, 215, 218, 221, 225, 234, 243, 249, 273, 287, 289,291,293,312. Christie (W.-P.), 210, 289. Clapham, 99, 101. Colborne (sir John), 193, 195, 196, 200, 201, 209, 210, 211, 212, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 220, 223, 224, 225, 235, 236, 243, 245, 275, 278, 279, 280. Colborne (lady), 196, 219, 223, 224. COLQUHOUN, 301. CÔTÉ (le docteur), 89, 160, 168, 188, 249. Couillard (Antoine-Gaspard), 111. Couper (le colonel), 246, 247. Courteau, 36. Craig, 166, 280, 281. Crémazie, 269. Cuthbert (J.), 210, 287, 289. Cuvillier, 11, 36, 39, 49. D Dalhousie (lord), 108, 141, 281, 305. Daly (Dominique), 246. Daunais, 221, 222. Davignon, 197, 200, 250. David (L.-O.), 128, 203, 204, 214, 215, 216, 218, 234. Davis, 36. 326 table des noms de personnes Debartzch, 59, 114, 188, 189, 200, 201. DeCelles (A.-D.), 17, 40, 59, 192, 234. Decoigne, 221, 222, 223. DÉLIGNY, 36. Demaray, 197, 206, 250. Dent (John Charles), 122, 132, 221, 234, 272, 273. Des CHAMPS, 36. Desèves (l'abbé), 204. Desfossés, 150. Derivières (Rodolphe), ;96, 206, 248. Dessaulles (Jean), 111, 112. Dessaulles (L.-A.), 200. DiONNE, 36. DioNNE (Amable), 149, 164, 209, 278, 287. DiONNE (Joseph), 210, 278. DiONNE (le docteur N.-E.), 18, 40. DoRiON (P.-A.), 36. Drolet, 87, 165. Drolet (J.-T.), 168, 206. DUBORD, 99. duchesnay (j.-b.), 111. Dumoulin (P.-B.), 150. DuNCANNON (lord), 238. DuQUETTE (Joseph), 221, 222, 223. DuRHAM (ladv), 235, 244, 254, 255, 312. DuRHAM (lord), 48, 193, 211, 212, 213,219,221,235,236, 238, 239, 240, 241, 242, 243, 244, 245, 247, 248, 249, 250, 251, 253, 254, 255, 256, 257, 258, 259, 260, 261, 262, 263, 264, 265, 266, 267, 268. 269, 270, 271, 273, 275, 276, 279, 282, 297, 299. Du VAL, 11, 14, 34, 38, 39. DUVERNAY, 2, 160, 250. DUVERT, 168. Eden (le colonel), 224. Egerton et Grant, 313. Elisabeth (la reine), 155. Ellenborough (lord), 208, 209, 304, 306. Ellice, 43, 214, 272, 301. TABLE DES NOMS DE PERSONNES 327 Elliott (Frédéric), 41, 43, 03, ()5, 07, 08, 69, 70, 72, 102 Elus (Edward), 145, 192. Ermatinger (le lieutenant), 197. Fabre (Edouard), 77. Faribault (Joseph), 210, 218. Felton (William Bowman), 109, 110. Ferland (l'abbé), 269. FiSHER, 3. Fitzroy-Somerset, 200, 201. Fitzwilliam (lord), 209. Fortin (J.), 36. Franklin, 144. Fraser, 99, 101. Fraser (John Malcolm), 164. Fraser (le colonel), 215. G Gagnon, 203, 206. Gale (Samuel), 41, 47, 49, 52. G arneau (F.-X.), 11, 25, 26, 40, 56, 60, 73, 75, 82, 83, 84, 85, 89, 96, 105, 131, 132, 133, 155, 167, 169, 186, 187, 192, 200, 206, 218, 219, 233, 234, 235, 244, 245, 269,273,312. Garey, 213. Gates (Horatio), 111. Gautier (Louis), 206, 250. Gauvin (Alphonse), 206, 248. Gerrard (Samuel), 210, 289. Gipps (sir George), 56, 102, Girod (Amurv), 168, 203, 204, 206. Girouard (Joseph), 36, 149, 206. Gladstone (WiUiamEwart), 91, 127, 128, 130,301,303, Glenelg (lord), 52, 56, 73, 79, 87, 91, 92, 100, 110, 111, 114, 122, 167, 194, 196, 197, 201, 204, 206, 210, 211, 212, 214, 215, 217, 218, 225, 254. Globensky, 162, 189, 190, 192, 234. 21 328 TABLE DES NOMS DE PERSONNES GODBOUT, 3C. GOODHUE, 36. GoDTN (Toussaint), 248. GoDERiCH (lord), 2, 3, 11, 12, 13, 41, 42, 43, 47,90,91, 108,116,237. GoRE (le colonel), 198, 199, 200, 201, 204. GosFORD (lord), 41, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 70, 72, 73, 76, 77, 78, 80, 83, 84, 86, 87, 88, 91, 92, 93, 94, 97, 98, 101, 105, 108, 109, 110, 111, 113, 114, 116,122,133, 134, 141, 152, 153, 154, 155, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 176, 193, 194, 195, 196, 197, 201, 205, 206, 207, 235, 242, 276, 289, 304, 305, 306. Graham (sir James), 51, 238. Grégoire xvi, 151, 228. Grenier (le curé), 190. Greville (Charles), 239, 273. Grey (le colonel), 247. Grey (lord), 51, 235, 237, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 272. Grey (sir Charles), 56, 102. Grey (sir George), 127. Grote, 208. GuGY (1 ouis), 7. GuGY (C.-A.), 14, 15, 32, 34, 36, 50, 201. Guillaume iv, 154. GUILLET, 36. GuizoT, 235, 272, 273. Guy (Louis), 111. H Hale, 289. Hale (le receveur général), 113. Hall (Samuel), 111. Hamel (André), 77. Hamelin, 221, 222. Hampden, 209. Hardwicke (lord), 304. Harwood, 289. Harwood (Robert), 111. Head (Sir Francis Bond), 78, 94, 119. 132, 220. TABLE DES NOMS DE PERSONNES 329 Heney (Hugues), 113, 114. Henry (Walter), 57, 58, 89. Hindenlang, 221, 222. HouDE (Célestin), 225. Houston, 296, 300, 312. HowiCK (lord), 43, 70, 127, 130, 301, HOYLE, 36. HuoT (Hector-Simon), 14, 15, 36. HUNTER, 173. Hume, 24, 25, 42, 43, 94, 96, 127, 128, 208, 303. I Inglis (sir Robert), 301. J Jalbert (François), 199. Jefferson, 114. JOBIN, 160. JoLiETTE (Barthélemi), 111, 112, 210, 378. Jones (Robert), 111. K Kemp (le capitaine), 203. Kempt (sir James), 43. Kennedy, 287, 294, 312. Kerr (le juge), 109, 113, 115. KiMBER, 14, 36. KiMBER (le docteur), 197. Kingsford, 40, 89, 132, 221, 234, 273,291,293,299, 308, 312. Knowlton, 36, 210. Labouchère, 127, 130. Lacerte, 77. Lacoste (L.), 168. Lacroix (J.-O.), 164. 330 TABLE DES NOMS DE PERSONNES Lafontaine (Louis-Hippolvte), 14, 30, 36, 50, 80, 81, 86 87, 97, 99, 120, 149, 160, 165, 206, 262. Lamennais, 174, 228. Lambton (William Henry), 237. Lajoie (Gérin), 287, 296, 312. Languedoc, 6, 7. Languedoc, 36. Lartigue (Mgr), 133, 151, 152, 171, 172, 175, 193. Laterrière (Pascal de Sales), 111, 209, 273, Larue, 36. Leader (R.-G.), 42, 89. Leader, 127, 131, 208. LeBoutillier, 36. Lemay, 36, 38. Léry (C.-A.-C. de), 209, 278, 289. Leslie, 36, 206. Létourneau, 36. LiNDSAY, 188. Lorimier (Chevalier de), 221, 222, 223. Lucas (sir C.-P.), 48, 259, 273, 312. LusiGNAN (Alphonse), 199. LussiER 199. Lysons (sir Daniel), 200, 201, 204, 234. LiVERPOOL (lord), 237. M MacDonell (sir James), 246. Macintosh (le colonel), 7, 8. Mackenzie (William-Lyon), 78, 94, 96, 220, 221. Macrea, 188. Malhiot (F.-X.), 111. Malhiot, 208, 218. Mansfield (lord), 208. Marchand (G.), 164. Marchessault (S.), 136, 248. Marquis, 99, 101. Marriott (sir James), 281. Masson, 36. Masson (Joseph), 111. Masson (Luc-Hyacinthe), 248. TABLE DES NOMS DE PERSONNES 331 May (sir Erskine), 52, 80. Mayrand (Etienne), 210, 278. McCarthy (Justin), 240, 241, 273. McDonald (le colonel), 215. McGiLL (Peter), 111, 121, 210, 278, 289. Meilleur, 160. Melbourne (lord), 51, 52, 127, 130, 254, 255, 284, 304. MÉTHOT, 36. MoFFATT (George), 111, 121, 279, 289. Molesworth (sir W.), 127, 208. Molson, 121, 210, 278, 289. MoNCK (lord), 202. Mondelet (Dominique), 8, 9, 14, 113, 279. Montgomery-Moore (ladv), 224. Morin (A.-N.), 17, 36, 43, 48, 76, 77, 80, 84, 85, 94, 97, 99, 110, 115, 118, 120, 133, 149, 163, 162, 164, 165, 186, 187, 197. MoussEAU, 36. Murray, 312. N Narbonn, 221, 222. Neilson (John), 7, 9, 10, 11, 12, 14, 30, 31, 32, 34, 35,36, 38, 39, 49, 58, 108, 112, 113, 123, 164, 209, 252, 270, 287, 289, 306. Nelson (le docteur Wolfred), 77, 136, 168. 169, 193, 197, 198, 199, 200, 202, 204, 206, 240, 249. Nelson (Robert), 193, 213, 216, 217, 218, 221, 222. Nicolas, 221, 222. Noël, 36. Normanby (le marquis de), 299. O O'Callaghan (le docteur), 134, 151, 160, 164, 165,196, 197, 206, 250. O'CoNNELL (Daniel), 24, 43, 51, 86, 127, 137, 140, 148, 276, 301, 302. OuiMET (André), 196. 332 TABLE DES NOMS DE PERSONNES Paget (sir Charles), 246. Pakington, 301. Palmerston (lord), 241. Panet (Louis), 114. Panet (Philippe), 7, 8, 112, 115, 193, 225. Pangman (John), 164, Papineau (L.-J.), 2, 3, 6, 8, 9, 10, 12, 11, 15, 16, 17, 24, 27, 28, 29, 30, 32,33,39, 41, 42, 48,50, 59, 60, 64, 68, 72, 74, 76, 77, 79, 82, 84, 87, 88, 94, 96, 98, 110, 112, 113, 118, 120, 121, 123, 132, 133, 137, 140, 141, 142, 143, 144, 147, 148, 149, 150, 152, 153, 154, 155, 156, 159, 160, 162, 165, 166, 168, 170, 173, 176, 179, 180, 193, 194, 195, 196, 197, 199, 200, 201, 202, 203, 206, 207, 220, 228, 229, 230, 232, 233, 249, 305. Paquin (M. le curé), 162, 189, 190, 204. Parent (Etienne), 10, 70, 122, 133, 137, 139, 140, 147, 175, 176, 180, 181, 183, 184, 186, 187, 225, 244, 251, 269. Peel (sir Robert), 51, 127, 208, 237, 283, 301. Pemberton (George), 114. Penn (Turton), 210. Perrault (Charles-Ovide), 59, 73, 77, 160, 196, 197, 199 Perrault (J.-F.), 44, 89, 130, 132. Perrault (Louis), 206, 250. PlERCE, 188. POLETTE, 150. PoTHiER (Toussaint), 209, 278, 289. Poulin, 36. Power, 36, 99, 101. Proulx, 36. Q QuESNEL, 11, 14, 32, 36, 38, 39, 114, 210, 278, 287, 289. QuESNEL (le docteur), 188. QuEViLLON (le curé), 155. . Quirouet (François), 111. R Ratté, 199. Raymond, 36. TABLE DES NOMS DE PERSONNES 333 Reid (Stuart), 236, 273. RiCE (Spring), 44, 46, 49, 50, 51, 70, 76, llô. Richmond (le duc de), 51, 240, 281. RiPON (lord), 51. Rivard, 3(). Robert, 221, 222. RoBERTSON (le docteur), 191. ROBINSON, 127. RoBiNSON (le juge en chef), 283. ROCBRUN, 36. RocHEBLAiVE (Pierre de), 111, 210, 278, 289. Rochon, 36. RoDiER, 36, 87, 97, 160, 168, 206, 250. Roebuck (J.-A.), 41, 42, 44, 60, 89, 95, 127, 208. Rolland (Jean-Roch), 115. RouTH, 246. RouviLLE (Hertel de), 164. Roy (Joseph), 77. RussELL (lord John), 91, 123, 125, 126, 127, 128, 130, 133, 134, 139, 141, 154, 161, 162, 193, 208, 238, 276, 282, 283, 284, 286, 289, 293, 294, 295, 298, 299, 301, 302, 303. Ryan (John), 250. Ryland (Herman Witsius), 280, 281. Saint-Ours (Roch de), 111. Salaberry (A.-M. de), 164. San DON (lord), 208. Sanguinet (les frères), 221, 222. Scott (William Henry), 36, 206. Scrope (J. Poulett), 284, 312. Sewell (le juge en chef), 113, 121, 281, 287. Sheppard (William), 114. Sherwood, 293. SiGNAY (Mgr), 184. Slmon, 36, 99. Simpson (John), 248. Sinclair (Sir George), 301. Smith (Ichabod), 210. 334 TABLE DES NOMS DE PERSONNES Smith. (J.-C. Moore), 196, 234. Stanley (lord), 13, 14, 31, 41, 42, 43, 4(i, 47, 51, 52, 127, 130, 146. Stewart (John) 114. Stuart (Andrew). 14, 30, 31, 36, 43, 99, 101, 165. Stuart (James), 43, 121, 209, 278, 281, 287, 289, 295. Sydenham (lord), 283, 290, 291, 292, 294, 299, 307, 308. Taché (sir Etienne), 245. Taché (J.-C), 209. Tacite, ix. Tardivel (J.-P.), 229. Taschereau (A.-C), 36. Taschereau (J.-A.), 87, 99, 164, 178. Taylor, 36. Teed, 224, 225. Temple (le capitaine), 7, 8. Tessier, 36. Thom (Adam), 225. Thompson (Charles-Edouard Poulett), 275, 283, 284, 286, 287, 290, 292, 293, 294, 295, 299, 307. Thompson (le colonel), 127. Tounnacourt (de), 36. TOOMEY, 36. Tracey (Daniel), 1, 3, 4, 5, 6. Trudel, 36. TURGEON, 36. Turton (Thomas, 242, 244, 246. U Uniacke (le juge), 49. V Vallières (le juge), 115, 193, 225. Valois, 36. Vanfelson, 14, 30, 36, 75, 77, 81, 85, 86, 87, 99. Victoria (la reine), 133, 154, 155. TABLE DES NOMS DE PERSONNES 835 ViGER (Bonavcnture), 197. ViGER (Denis-Benjamin), 24, 25, 26, 48, 48, 49, 59, 7(5, 108, 110.112. ViGER (L.-M.), 1()0, 1<)8. ViTTY (David), 214, 221. W Wakefield (Edward Gibbon), 242. Walker (Aaron), 214, 221. Walker (William), 209, 289. Walpole (Spencer), 89, 126, 132, 143, 192, 200,234,244, 273,312. Warburton, 208. Washington, 144. Weir (le lieutenant), 193, 198, 199. Wellington (lord), 51, 58, 208, 237, 304. Wells, 101. Wetherall (le colonel), 197, 200, 201, 202. WiTT (de), 36, 160. WooD, 36, 101. Wright, 36. WURTELE, 36. Young, 36. -t vD O rH > ^- -